L'enfant sauvage

Voilà un film dont je n'attendais pas grand chose et qui m'a très agréablement surprise. Pour un premier film en tant que réalisatrice, Emmanuelle Bercot tape très fort en s'emparant d'un sujet pas facile avec beaucoup d'humilité et de justesse.

On avait déjà croisé des gamins difficiles dans "Entre les murs", mais là on est quand même un cran au dessus question délinquance. On y suit le parcours de Malony, qu'une enfance et une adolescence chaotiques (et une mère immature, bête et dysfonctionnelle - bien qu'affectueuse) vont peu à peu conduire dans le circuit judiciaire. Ce système, incarné de façon très convaincante par une Deneuve (qui, décidément, aura choisi la fin de sa carrière pour faire de vrais choix de grands rôles), juge des enfants droite dans ses bottes mais profondément empathique, qui se heurte aux limites de la loi qu'elle doit faire appliquer.

Face à un individu que la sanction n'effraie pas, que le système policier coercitif ne parvient pas à faire plier : que faire ?

Rod Paradot est une petite révélation, un enfant sauvage tout en violence et en agressivité, perpétuellement sur la défensive, avec le sentiment d'être mal compris, mal aimé. Je l'ai trouvé extrêmement crédible pour sa première incursion dans le cinéma et, même si ses innombrables conneries finissent par lasser un peu (freinant par là même notre attachement pour lui), on ne peut que se laisser émouvoir par ce gamin paumé qui a poussé "comme une herbe folle".

Je dois aussi dire quelque chose de Sara Forestier,impeccable en mère populo-vulgaire, pas vraiment à son avantage physiquement. Un rôle très éloigné de ses précédentes prestations et qui m'a fait sourire plus d'une fois par son naturel désarmant (ses mimiques.. Tout est dans le détail). Je n'avais pas besoin de ce film pour savoir quelle grande actrice elle pouvait être : mais voilà une confirmation de plus.

Mention spéciale également à Benoît Magimel, acteur que je ne porte habituellement pas vraiment dans mon coeur, mais qui dans ce rôle de petite frappe revenue des conneries et passée éducateur spécialisé, est absolument brillant (avec de faux airs de Sean Penn, j'ai trouvé..).

Réalisme, trouées de poésie grâce au cadre verdoyant du centre, implication totale des acteurs, sous texte politique et judiciaire passionnant : Emmanuelle Bercot nous offre une plongée quasi documentaire dans les méandres (parfois stériles) du système juridico-éducatif sans rarement nous ennuyer, et en nous livrant de très belles performances d'acteurs.

Vraiment, vraiment très bien.