"Nos pompiers ont du talents (nos architectes en revanche...)"

Doug Roberts (Paul Newman) est architecte et pas un architecte quelconque puisqu'il est avec Jim Duncan (William Holden) l'homme ayant conçu la tour la plus haute du monde qui doit être inaugurée le soir même dans la ville de San Francisco. Malheureusement, le moins que l'on puisse dire c'est que rien ne va se passer comme prévu, puisqu'un incendie va se déclarer, causé par des installations électriques défectueuses dû à un budget dont on comprendra qu'il n'était pas à la hauteur des ambitions de Duncan et un ingénieur électricien (Rogers Simmons/Richard Chamberlain) irresponsable et personnage le plus détestable du film. Les pompiers, commandés par Michael O'Halloran (Steve McQueen), vont rapidement intervenir, mais on va vite comprendre que l'envergure de la tour rend le feu et l'opération de sauvetage tout bonnement incontrôlables.

Par certains aspects il est tentant de dresser une comparaison entre l'envergure incommensurable de la tour du film et la production du film en elle-même. En effet, "La tour infernale" peut à juste titre se vanter de figurer parmi les plus gros films jamais produits de tous les temps ; tout d'abord il constitue un cas rare au cours duquel deux des plus gros studios de production d'Hollywood, se sont alliés pour le produire (à savoir en l'occurrence la 20th century fox et Warner Bros qui détenaient chacun les droits d'un des deux livres dont le film est une adaptation et craignaient donc de se faire concurrence) ; ensuite il se dote d'une distribution cinq étoiles dans laquelle on retrouve en plus des noms déjà cités : Faye Dunaway, Fred Astaire, Jennifer Jones, Robert Vaughn, Robert Wagner, etc. notons également son importante durée dépassant les 2 h 30 d'action (bon ça parait moins rare aujourd’hui qu’à l’époque c’est vrai)

D'ailleurs, l'avantage de la grande durée du film c'est qu'elle permet de développer intelligemment les différents personnages qui, importants ou secondaires, ont pour la quasi-totalité leur importance/intérêt dans le récit, que ce soit en tant qu'éléments actifs du sauvetage périlleux des occupants de la tour, ou bien en tant d'exemples qu'occupant dont la mission de sauvetage contribue à la crédibilité de la tension présente dans cette tour infernale. Ainsi la mort spectaculairement mise en scène au bout d’une heure de film de deux personnages qu'on a précédemment pris le temps de nous introduire et dont l'un d'entre eux est d'ailleurs assez important dans la hiérarchie de la tour nous fait comprendre que non, tout le monde ne sortira pas vivant de cette histoire. De fait, Paul Newman qui se retrouve à jouer dans la scène suivante, les escaladeurs (assez impressionnant pour un architecte d'ailleurs, mais passons…) avec la menace de faire une chute mortelle s'il se rate nous fait craindre pour sa vie et surtout celle des deux enfants et de la femme qui l'accompagnent alors. Le film sait ainsi très bien gérer ces moments de tension, mais sait aussi donner des moments de répit à ses personnages ce qui permet ainsi d'en apprendre plus sur eux, de les développer…

A noter également que ce sentiment de tension est renforcé par des effets spéciaux - jouant beaucoup sur les effets de flammes et d'explosion - encore des plus crédibles aujourd'hui (exception faite de certains fonds verts perceptibles sur des plans aériens) et assez impressionnant, ce qui devait probablement être encore plus le cas lors de sa sortie. Les cascades sont aussi assez impressionnantes, Paul Newman et Steve Mcqueen auraient d'ailleurs tenu à les faire en très grande partie eux-mêmes.

Tous ces divers éléments ont contribué à faire du film un des plus cultes du genre du “film catastrophe” assez en vogue à l'époque et dont il est l'exemple le plus illustre, genre dont je ne suis pas un très grand amateur, mais ici la pertinence des personnages et la présence d'effets spéciaux au service du scénario et non le contraire, contribuent et légitiment son statut au sein du genre.

On peut aussi s'interroger sur la morale du film, en s'attardant sur sa scène finale, le commandant des pompiers incarné par Steve McQueen s'adresse à l'architecte incarné par Paul Newman, en lui affirmant qu'ils ont de la chance que le nombre de morts à déplorer soit relativement bas et que même si des gars comme lui continueront de traverser les flammes et la fumée pour sauver autant de vies que possibles un jour ce nombre s'élèvera à des milliers et qu'il espère que ce jour-là les architectes comprendront peut-être enfin l'importance de consulter les pompiers lors de la construction d'un tel édifice grandiloquent. Le personnage de Paul Newman affirme qu'il a compris la leçon et qu'il l'appellera la prochaine fois ; néanmoins je m'interroge sur le sens de ce dialogue. Est-ce que sous couvert d'un film à grand spectacle et à sensation, le film cherchait à émettre un avertissement contre l'envie des hommes à construire toujours haut, toujours plus époustouflant, des projets ambitieux et passablement irresponsables ?

RangDar
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le 24 janv. 2023

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