Quand le Cinemascope magnifie le port de la toge

La Tunique est une date importante dans l'histoire du cinéma, puisque c'est le premier film exploité en Cinemascope, avec la lentille "hypergonar" qui permet d'élargir de 2 fois et demie le champ de vision à l'écran ; ce procédé est une invention mise au point par le savant français Henri Chrétien, dont la Fox a acheté le brevet en 1937 pour se réserver l'exclusivité du procédé, mais qui ne songea à l'utiliser qu'en 1952, années de guerre obligent. Il fallait aussi que les salles de cinéma s'équipent en conséquence, mais le succès fut retentissant, ce qui incita les autres Majors à emboiter le pas et à exploiter des procédés similaires (WarnerScope, SuperScope, Panavision...).
Pour innover ce procédé Cinemascope, il fallait du grand spectacle, et d'ailleurs, ce procédé collera parfaitement aux grands films épiques par la suite. La Tunique est probablement le film le plus luxueux de son temps : écran large, couleurs rutilantes, photo sublime due à Léon Shamroy, costumes chatoyants, décors grandioses, gros casting où l'on trouve le tout jeune Richard Burton déjà star, venant du théâtre anglais et qui porte admirablement la toge ; secondé par la belle Jean Simmons, le colosse Victor Mature, l'excellent Michael Rennie dans le rôle de l'Apôtre Pierre, Richard Boone en Ponce Pilate, Thorin Thatcher en patricien romain, Dean Jagger, et surtout Jay Robinson incarnant un Caligula nerveux et vociférant, bref, un casting adéquat pour tout bon péplum des années 50 qui se respecte. Sans compter une BO adaptée, car un péplum qui n'a pas une musique grandiose, n'est pas tout à fait un péplum, celle d'Alfred Newman est superbe.
Certains critiques ont voulu y voir un nanar de luxe, même pas, et pourtant ça aurait pu, car le scénario se prête à tous les délires : c'est l'histoire de la tunique du Christ, celle qui fut jouée aux dés par les légionnaires qui l'ont crucifiés. Il n'y a pas le moindre dérapage, pas la moindre fantaisie, on est dans le tour de force, tout est nickel, on dirait presque par moment une tragédie shakespearienne, d'où l'emploi de Burton dans ce rôle de tribun hostile au christianisme et qui finit par trouver la foi.
Je suis peut-être conscient d'avoir exagérément haussé ma note, parce que je concède que le film peut parfois être ronflant et puisse lasser par moments par son message religieux, ses personnages peut-être un peu plats et son action languissante qui hésite entre réalisme spectaculaire et édification naïve. Le film peut se comparer à Quo Vadis? réalisé 2 ans avant et qu'il tente d'égaler, mais Quo Vadis? avait aussi le défaut d'un message religieux trop appuyé. Donc voila, ce sont 2 péplums réalisés dans un certain état d'esprit qu'il faut resituer dans le contexte d'époque, et par conséquent, je garde un certain intérêt pour la Tunique sans savoir trop pourquoi, sans doute parce que j'aime la Rome antique à l'écran (et pourtant je déteste les Romains et ce qu'ils représentent, je sais, je suis compliqué), mais il est clair que sa suite les Gladiateurs, réalisée l'année suivante, où Victor Mature, Jay Robinson et Michael Rennie reprendront leurs rôles respectifs, aura le mérite d'illustrer avec un plus grand réalisme la vie des combattants du Circus Maximus.

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le 11 mai 2019

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Ugly

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