Ce qui est curieux, c'est qu'aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, La vache et le prisonnier était toujours en couleurs ; il faisait partie de la vague de ces films des années 1950-60 qui étaient colorisés afin de continuer à être diffusés à la télévision. Souvenez-vous de cette horrible version des Tontons flingueurs... C'est vraiment depuis l'avènement du dvd qu'on se rappelle que le film de Verneuil était bien noir et blanc. Et c'est aussi un souvenir personnel, à savoir mon arrière-grand-mère qui aimait le voir à la télévision et qui m'avait raconté qu'elle l'avait vu au cinéma itinérant au début des années 1960.
C'est dire à quel point La vache et le prisonnier a marqué son époque : immense succès en salles, carton à chacune de ses rediffusions, acteur principal au firmament de sa carrière... C'est un film que j'ai fréquemment vu, mais là, avec le restauration 4k, on se rend compte aussi de l'excellent travail du réalisateur Henri Verneuil. Avec notamment la fameuse scène de la construction du Danube, où on a un sublime travelling latéral sur des soldats allemands qui laissent passer Fernandel ainsi que la vache Marguerite, l'autre véritable vedette de l'histoire. Mais aussi du formidable challenge qui est de faire jouer la plupart du temps Fernandel seul à l'écran ou alors en compagnie d'une vache avec laquelle se produit une véritable émotion. De la complicité parfois, voire un brin de paillardise notamment quand elle rencontre un veau.
Mais aussi des moments tragiques comme ces deux Français qui se font passer pour des soldats allemands et qui, quand ils se font contrôler par la Gestapo, se font trahir par leurs tenues, et sans un mot, ils se dirigent dans une camionnette pour une destination dont on se doute qu'ils ne reviendront pas.
Tout est comme ça dans le film, avec une émotion rentrée, avec un Fernandel tenu bien qu'on sent qu'il veut être face caméra, et une superbe technique, en particulier la photographie noir et blanc de Roger Hubert ainsi que la musique de Paul Durand qui est à fendre les pierres.
Bien que le tournage fut très difficile, du fait des rapports tendus entre Fernandel et Verneuil ainsi que la menace d'un projet similaire de Claude Autant-Lara avec Bourvil, qui ne se fera pas, La vache et le prisonnier ne démérite pas son statut de GRAND film populaire. A la fois drôle, toucha,t, et humain.