Lors de la Deuxième Guerre Mondiale,le marseillais Charles Bailly est prisonnier en Allemagne et travaille avec trois autres français dans une ferme tenue par une accorte teutonne.Il lui vient l'idée de s'évader et de regagner la France à pied en convoyant une vache,ce qui est censé feinter les boches.Cet énorme classique du cinéma hexagonal fait un peu pâle figure vu d'aujourd'hui,en dépit d'une cote qui traverse les décennies.Avec le recul on dirait une prequel de "La cuisine au beurre",qui sortira quatre ans plus tard.De fait Fernand Jouve,joué par le même Fernandel,s'inscrit dans la continuité du personnage de Bailly.Tous deux sont des prisonniers de guerre provençaux détenus en Germanie,tous deux bénéficient d'une bonne planque dans une ferme tenue par une femme seule succombant à la séduction française,bien qu'ici ce ne soit pas Bailly qui emballe la paysanne mais son copain Bussière.Différence importante toutefois,Charles veut absolument retourner en France alors que Fernand s'arrange pour rester auprès de sa conquête une fois le conflit terminé,ce qui s'explique justement par la formation de son couple,une situation que ne connait pas Bailly.Cherchez la femme,comme toujours!La filiation entre les deux oeuvres est d'autant plus évidente qu'elles ont le même scénariste,Jean Manse,qui a coécrit "La vache" avec le réalisateur Henri Verneuil et le dialoguiste Henri Jeanson,s'inspirant d'une histoire signée Jacques Antoine,mythique pionnier de la radio et de la télé à qui l'on doit l'invention de jeux tels que "La tête et les jambes","Le Schmilblick" ou "Fort Boyard".Techniquement c'est bien fait,Verneuil connait son affaire,il sait cadrer,utiliser les paysages variés traversés par le héros,maîtriser la narration,et il s'appuie en outre sur un très beau noir et blanc millésimé.Là où ça coince,c'est au niveau du scénario.L'idée de la vache n'est pas si bonne que ça et on s'étonne de la facilité avec laquelle les soldats allemands laissent passer Charles sans jamais le contrôler.En plus le gars est un crétin certifié qui multiplie les imprudences,et il ne doit qu'à une invraisemblable série de miracles d'échapper à une arrestation.Un miracle on veut bien,deux à la rigueur,mais quand on atteint la dizaine on se sent obligé de contacter le diocèse de Lourdes.Ainsi en va-t-il de la scène de la scierie avec l'intervention in extremis du commandant francophone et francophile,de celle de la ferme avec ses habitants francophones et francophiles,de la rencontre avec les russes qui sont prisonniers mais laissés en pleine nature sans surveillance et qui convoitent la vache mais la laissent à Bailly qui est seul alors qu'ils sont vingt,de la longue séquence lors de laquelle l'évadé s'arrange pour se cacher dans un trou au milieu d'un campement allemand sans être découvert,même quand un chien gueule devant lui sans que ça ne fasse réagir les fridolins,et ça continue encore et encore,notamment avec ces moments où Bailly égare sa vache puis retombe dessus miraculeusement.Heureusement quelques éléments fonctionnent,comme la séquence avec les français déguisés en officiers teutons ou la scène finale,d'une ironie mordante.Mais ce qui au fond marche le mieux est la relation amicale et poétique qui s'instaure entre l'homme et l'animal,la vache Marguerite étant d'ailleurs une actrice de grand talent.Fernandel a du métier et,malgré la stupidité de son personnage,offre une excellente prestation.De sympathiques seconds rôles apparaissent ça et là,Bernard Musson en prisonnier obsédé sexuel,Albert Rémy en prisonnier scieur,Maurice Nasil en prisonnier intello,Pierre Louis,connu à l'époque en tant qu'animateur télé,en faux soldat allemand,et René Havard,scénariste d'un autre film caustique sur la guerre,"Un taxi pour Tobrouk",en prisonnier séducteur.