Après une décennie consacrée aux documentaires pour la télévision, sorte de purgatoire après les bides commerciaux de ses deux derniers films pour le cinéma, Shôhei Imamura revenait en très grande forme avec ce film, évidemment sur un sujet dérangeant, car Imamura n'aurait pas été Imamura sans cela. Cette histoire dérangeante est celle d'un tueur en série, Iwao Enokizu (joué par un Ken Ogata absolument remarquable de froideur !), fortement inspirée de celle, véritable, d'Akira Nishiguchi, psychopathe escroc qui a assassiné 5 personnes sur les trois derniers mois de l'année 1963 avant d'être finalement arrêté au début du mois de janvier suivant avant d'être pendu en décembre 1970.
Shôhei Imamura dresse le portrait d'un escroc-voleur-violeur-tueur en série en filmant dans un ordre non chronologique, mais toujours avec une grande clarté (ce qui n'est pas forcément le cas de tous les films du réalisateur quand bien même il y suivrait l'ordre chronologique !), ses agissements mais aussi des passages de sa vie avant les meurtres, parfois racontés par le père ou la femme du meurtrier, ne manquant pas d'élargir par la même occasion ce portrait à celui d'une société qui, comme toutes celles ayant un régime démocratique, ne parvient que difficilement à faire face aux pulsions primaires de l'être humain, obsessions du sexe, de la violence, de l'argent, qui s'expriment d'une manière affichée par ce type de personnes.
Il ne faut pas chercher le moindre glamour hollywoodien dans la mise en scène, l'ensemble est filmé avec réalisme, avec crudité, sans le plus petit procédé pour rendre le tout moins désagréable à regarder. Il ne faut pas chercher non plus la moindre explication dans les motifs du tueur car ceux-ci échappent totalement à la rationalité, matérielle ou psychologique, qui pourrait nous rassurer nous spectateurs. Il n'y a pas de discours, pas de jugement tout bien préparés. Et c'est cela qui est absolument remarquable avec ce film, troublant, complexe (dans le meilleur sens du terme !), qui compte parmi les films les plus réussis de son réalisateur, si ce n'est le plus réussi (du moins de ceux que j'ai vus jusqu'ici !).