L’histoire d’un huit clos, d’une inversion pour la moins classique des rôles du metteur en scène/candidate, d’une transformation du maître en l’esclave, scrutée sous la caméra perverse de Polanski.
Le violeur assagi semble guidé par un fil rouge qu’il a tissé tout au long de ses œuvres : la Venus à la Fourrure est une retrouvaille célébrée du huit clos qu’il mettait à l’œuvre dès Le Locataire. Une œuvre qui est d’autant plus introspective et réfléchissante avec un Almaric streetstylé en Polanski, t-shirt et veste impecs du bobo du dimanche, chaussures Prada d’apparat. Emmanuelle Seigner, la godiche, la ténébreuse, puis la louve face à un Almaric trop bon mari malgré des lasagnes faites maison par sa femme qui vont refroidir le temps de l’audition.

Le spectateur mérite-t-il de s’immiscer dans une salle de théâtre où tout est à construire ? Polanski nous convie à expérimenter l’anti-théâtre filmé. Une expérience d’autant plus dérangeante qui réussit à nous envouter. Le minimalisme centré sur deux personnages et une scène fonctionne à merveille. L’utilisation de l’espace parvient à se superposer délicatement sur les trajectoires attendues des personnages.

Mais qui est cette femme maquillée comme un camion ? Peu importe, la fantaisie et allégresse prennent le dessus et démultiplient les souvenirs personnels éparses tirés de la filmographie de Polanski. Une audition qui tourne à un rêve éveillé intégrant les rappels de la séance de maquillage du Locataire ou le poignard diabolique de Rosemary’s Baby. On comprend tout de suite que la pièce sado-machiste d’origine, avant coureuse des 50 nuances de gris s’évapore sous la réalisation de Polanski.

Il y a chez les deux protagonistes un certain plaisir non dissimulé de jouer, de tirer les ficelles du théâtre qui est pris au piège par la fixité de l’objectif. C’est pourtant un endroit qu’on désirait quitter dès le ruminement du chewing gum d’Emmanuel Seigner – mais un lieu qui deviendra pour notre plus grand plaisir celui du supplice maléfique pour tout homme en proie au diable féminin.
leviathor
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le 13 janv. 2014

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