Aux assises, on débat du caractère passionnel du meurtre qu'a commis la belle Dominique. Pourquoi et dans quelles conditions a-t-elle abattu son amant? On le saura au terme d'une série de flashback évoquant tout autant les fluctuations amoureuses entre Dominique et Gilbert que la personnalité de l'accusée.

Tandis qu'on juge -sévèrement- le comportement de la jeune femme, Clouzot, lui, juge très brutalement la société dont le débat judiciaire reflète ici le moralisme, l'intransigeance et, même, la méchanceté. Et face à la Cour, hostile, Brigitte Bardot figure rien moins qu'une victime expiatoire. Le récit de son existence, la spontanéité et la liberté (surtout sexuelle) de Dominique offensent le conformisme de ses juges. Et Clouzot de suggérer en quoi les penchants suicidaires de Dominique expriment son étouffement dans une société aliénante.

C'est un rôle marquant pour Bardot, moins d'ailleurs grâce à ses relatives qualités d'actrice que par sa modernité et son propre statut de vedette scandaleuse qui correspond très bien au rôle. C'est le bon choix de Clouzot. En revanche, la mise en scène de ce dernier est bien moins convaincante. Déjà, le procédé scènes de procès-flashback est une méthode courante, voire franchement usée. Et puis, indépendamment de l'histoire entre Sami Frey (très prometteur) et Bardot, une histoire qu'on peut trouver sentimentalement et dramatiquement assez quelconque, le cinéaste s'en remet à quantité de clichés. Sociaux d'abord, dans cette opposition réductrice entre une jeunesse aux moeurs plus ou moins dissolues et son ainée ennuyeuse, figée. Clichés cinématographiques ensuite, comme on le voit dans les scènes de procès où Louis Seigner incarne, comme attendu, un président cassant, où Paul Meurisse et Charles Vanel sont des avocats brillants qui se renvoient des formules spirituelles trop bien écrites, trop bien dites, pour faire vraies. Et les témoins qui s'expriment à la barre reproduisent à leur tour les formes communes de leur fonction au cinéma, le cinéma de la "qualité française".

Le propos de Clouzot est estimable et fondé, mais manque absolument de spontanéité et de liberté, d'audace narrative. En somme, Clouzot dénonce le conformisme par un cinéma académique, un cinéma dédaigné par la Nouvelle vague dont le "A bout de souffle" de Godard, tourné l'année avant, souligne indirectement les archaïsmes.

inspecteurmorvandieu
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le 19 oct. 2024

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