« La victoire en chantant » est le premier film de Jean-Jacques Annaud. Echec commercial en France il ne dut sa notoriété qu’à l’Oscar du meilleur film étranger sous le titre de « Black an white in color » qui sera traduit litéralement pour un nouveau lancement en France qui marcha un peu mieux. Le cinéaste, socialiste convaincu, dresse le portrait d’un idéaliste du même courant, Hubert Fresnoy (Jacques Spiesser), face à des franchouillards colonialistes, incultes et nationalistes, très fidèle à ce que le PS pense des classes moyennes. Ce parfait témoignage est édifiant à plus d’un sens et décrit, sans en avoir l’air, sur le ton de la comédie douce amère, plusieurs tares de la société française de l’époque, à commencer par l’incapacité de comprendre la moindre langue étrangère, comme par ailleurs leur allié britannique. Mais aussi un mépris de la différence et une supériorité évidente vis à vis des indigènes, et quelque peu à l’encontre de ces gros boches bien gentils, mais bien épais et bas de plafonds. Et nos africains sont meilleurs, car ils ont la potion magique (clin d’œil à Astérix) : le pastis. Sauf que ça ne sera pas aussi simple… L’histoire n’est pas toujours bien scénarisée, comme par exemple des personnages féminins complètement bâclés. Pourtant de l’opposition entre Charlotte (Natou Koly) la superbe beauté noire et le tandem de morues (Catherine Rouvel – Dora Doll) prête à dégainer les préjugés, il y avait de quoi faire. La qualité de la mise en scène avec des moyens très restreints, fait qu’Annaud montre déjà un vrai talent de cinéaste, même si la direction d’acteur est encore inégale. Seul Carmet se détache de cet ensemble hétéroclite et parfois peu convaincant. La fin est le seul regard véritablement social que porte le cinéaste dans ce rapprochement entre Fresnoy et le lieutenant allemand. Ils sont clairement du même monde, au dessus des vulgum pecus. Sans doute un hommage à Jean Renoir et « La Grande Illusion ».