C'était pas terrible. Y a de bonnes idées. Mais cet anti-manichéisme prend vraiment trop de place.
En fait, je suis un défenseur du manichéisme. Je ne pense pas que ce soit la seule manière de raconter un film, bien sûr, mais cracher sur ce concept me paraît sot, parce que le manichéisme a au moins le mérite de poser des enjeux clairs et d'aller à l'essentiel, tout en délivrant de bons personnages. De bons personnages, ce sont des personnages qui agissent selon une certaine cohérence. Souvent, à force de vouloir se dresser face au manichéisme, les auteurs font faire un peu n'importe quoi aux personnages. Un coup ils sont gentils, un coup ils sont méchants. En cherchant systématiquement à rompre ce genre de repère, les auteurs en oublient les motivations d'un personnage. Ainsi, il ne devrait même pas être question d'être bon ou d'être méchant. Juste celle de la motivation, c'est cela qui va structurer le personnage, justifier ses actes. Et ici, il n'y a pas de motivations*.
On sent que l'auteur s'est pris d'affection pour ces gens, il les filme donc comme une famille. Sans pour autant omettre qu'ils restent des criminels. Ainsi, on les voit agir mal (ou plutôt, la majorité du temps, parler de leurs mauvaises actions) et puis se comporter en braves gens, parce que forcément, les gens 'méchants' ne sont pas 'méchants' toute la journée, genre à penser des mauvaises choses et à ruminer toute la journée. Non, les 'méchants' ont aussi une famille, des amis, le désir de rendre des gens heureux. Et tout ça, l'auteur en abuse, il appuie trop dessus. Sans réellement creuser quoi que ce soit.
Si bien que je me suis vite lassé de ce petit jeu. Il y a plusieurs sous-intrigues intéressantes, mais jamais vraiment d'enjeux car rien n'est approfondi ; donc on s'ennuie. Au final, ce film ressemble vraiment à un film de vacances, ou un film de famille, où chacun y va de sa petite phrase profonde quand la caméra se tourne vers lui (comme par exemple la scène d'anniversaire). De plus, il ne se passe pratiquement rien à l'écran : les membres se vantent de leurs exploits, parlent de leurs potes tombés au combat, on assiste au déroulement de procédures judiciaires, on découvre aussi les activités légales qui servent à cacher leurs activités illégales, puis on voit des images sur fond musical (le genre de procédé qui ne sert pas à grand chose quand on analyse vraiment)... On voit un peu de tout, mais rien n'est vraiment approfondi. Il aurait fallu que l'auteur s'en tienne à un sujet, par exemple cette boulangerie. En l'état, on voit les membres la créer et puis c'est tout, il ne se passe rien. Alors qu'il aurait été intéressant de voir comment ils gèrent la boulangerie avec en toile de fond leurs activités illégales, leurs crimes. Il y avait de quoi faire. Mais cela aurait demandé plus de choix de la part de l'auteur, ça lui aurait demandé de se focaliser sur une intrigue principale et de l'étoffer et de construire les personnages de son film autour de cela.
Il reste tout de même quelques belles images, quelques moments sympathiques, parfois drôles, parfois touchants. Les membres du gang semblent intéressants aussi. Mais c'est trop forcé ou trop superficiellement abordé.
Bref, sans pour autant vraiment s'ennuyer, le film ne réussit qu'avec grande peine à divertir ou même à poser les bases d'une réflexion. C'est un cinéma pauvre, parfois facile. Enfin je dis ça, mais je suis conscient de la difficulté de mettre sur pied un tel projet. C'est peut-être ça le problème : trop ambitieux. Il aurait fallu se focaliser sur quelque chose ou quelqu'un plus précisément. Ce n'est pas parce qu'on s'attaque à un sujet noble ou qu'on prend de réels risques que le film sera forcément bon. En l'état c'est trop vaste, trop décousu, trop creux. Mais chapeau au réalisateur d'avoir su risquer sa vie pour son art...
*attention, je ne dis pas que ces gens, qui ont réellement existé, n'ont pas de motivation. Mais dans la vie de tous les jours il se passe plein de chose, nous sommes victimes de toutes nos humeurs, de tous nos désirs. Une fois qu'un auteur tente de capturer un être réel dans un film, il se doit, à des fin narratives, de le filtrer, de le limiter à une essence qui servira le propos de son film. Et c'est dans cette capture que l'auteur échoue à rendre compte de motivations claires, logiques. De même, cela ne veut pas dire que le personnage est enfermé dans sa réduction ; au contraire, l'auteur doit permettre à ses personnages de s'épanouir malgré cette condition ; ici, ils ne vivent jamais pour eux-mêmes ni pour rien. Ils sont tels des fantômes de personnages qui n'agissent pas mais qui subissent les caprices du réalisateur.
Bonus : https://image.noelshack.com/fichiers/2017/05/1485807016-la-vida-loca.jpg