Tomber amoureux
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Contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes peu familiarisées avec son cinéma, Abdellatif Kechiche fait tout sauf du cinéma pour bobos et intellos. Il filme toujours des personnages simples et s'intéressent "pour de vrai" à eux, qu'ils soient immigrés ou pauvres, beaux ou moches. Jamais il ne se permet de les juger et au contraire les laissent s'exprimer. Cette fois-ci, il se penche sur le cas d'une adolescente qui se cherche, qui vit une sorte d'apprentissage de la vie amoureuse, de la sexualité et de la vie d'adulte. La vie d'Adèle est un film très sensible et très touchant et beaucoup d'adolescentes (et pas que les adolescentes) pourront très certainement se reconnaitre dans le portrait d'Adèle.
Adèle (Adele Exarchopoulos), alors jeune lycéenne, voit sa vie changer lorsqu’elle fait la rencontre d'Emma (Léa Seydoux) étudiante aux beaux-arts. Il ne sert vraiment à rien d’entrer dans les détails de l'histoire. Disons simplement que nous voyons la vie d’Adèle évoluer de ses années lycée à la vie de jeune adulte, à travers ses pensées sur la vie et de ses relations amoureuses.
Il n’y a vraiment rien de nouveau dans cette histoire, que nous n’ayons jamais vu auparavant. Oui, c’est difficile de faire une histoire originale de nos jours, mais je pense que les difficultés de la vie et des relations amoureuses (et familiales) qui sont exposés ici, bien que divertissantes, ne sont vraiment pas si nouveaux. Mais l'intérêt du cinéma d'Abdellatif Kechiche est ailleurs, l'intérêt est dans la mise en forme. Personne d'autre ne filme aussi bien que lui ses actrices, avec la caméra toujours très proches d'elles. En fait, personne ne filme comme Abdellatif Kechiche. Il sublime littéralement ses deux actrices principales, Adèle Exarchopoulos jusqu'alors totalement inexpérimenté et Léa Seydoux plus expérimenté.
Le cinéma d'Abdellatif Kechiche allie esthétisme et mise en scène, l'un ne va pas sans l'autre. Sa mise en scène capture la lumière et la beauté du moment présent. La photo et la mise en mouvement des corps est magnifique. Elle fait passer tout un tas d'émotions par un style de cadrage, de lumière et de montage très atypique. Mais c'est pour mieux saisir les regards, capturer les émotions et les expressions du visage de ses actrices. Plus précisément, Abdellatif Kechiche privilégie les cadrages serrés, voir même resserrés sur les visages et fait durer les plans. De part cette proximité avec les personnages qu'il filme, on a littéralement l'impression d'être avec eux, à l'intérieur de l'écran. En cela, c'est une mise en scène presque palpable.
Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux nous offre deux performances sublimes, parmi les meilleures jamais vues. On peut difficilement ne pas tomber amoureux des deux actrices. Adèle Exarchopoulos tout particulièrement, fait un travail magistral dans le rôle d’Adèle. Elle démontre toute l'étendue de sa palette de jeu, passant de la joie aux larmes en un instant et toujours avec beaucoup d'intensité. Elle offre beaucoup d’émotions différentes et sa performance semble vraie, à tel point que ça nous donne l'impression de regarder un documentaire sur une vraie personne. Elle doit jouer une adolescente naïve, une adulte confuse et diverses autres choses. Léa Seydoux mérite également beaucoup de crédit pour sa performance, légèrement plus en retrait et plus dans la retenue dans le rôle d'une jeune femme plus sûr d'elle et avec un caractère plus mondain. Les deux ensemble forment un couple très fort et passionné, pour ce qui est très certainement l’un des couples les plus mémorables du cinéma.
Abdellatif Kechiche semble néanmoins découvrir ici que le sexe pouvait exister entre deux femmes. Voir Léa Seydoux "se farcir" une nana pendant une scène de cul de plus de dix minutes, c'est long, très long. Et une fois qu'on arrive à la troisième ou quatrième scène de cul, on peut légitimement se demander si tout ça, c'était bien utile ? C'est à croire que c'est uniquement là pour soulever une vive polémique, afin que le film puisse faire parler de lui. En tout cas, il ouvre la porte grande ouverte à la critique et certains ne se sont pas gênés pour dire que tout ça, ce n'est que du cul lesbien "auteurisant" pendant plus de trois heures.
Et puis dernier petit reproche, il est parfois difficile de suivre la temporalité du film. Je comprends qu'Abdellatif Kechiche n'ait pas voulu chapitrer son film avec un insert "1 an plus tard" ou "3 ans plus tard" pour ne pas nuire à l'immersion du spectateur, mais j'avoue que pendant la deuxième partie du film (Adèle jeune adulte) ce fut difficile pour moi de savoir où on en était au juste dans la vie d'Adèle.
Bref, La Vie d'Adèle ne peut pas plaire à tout le monde, c'est certains. Mais qu'on aime ou qu'on aime pas le bonhomme, Abdellatif Kechiche est un véritable metteur en scène, qui a un style très personnel et une vraie patte visuelle ... et ça, même ses plus grands détracteurs ne peuvent pas lui retirer.
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Créée
le 16 janv. 2022
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