Le job de prof à cet avantage que l’on y apprend en permanence de nouvelles choses, ou de nouveaux mots. Tenez, « goudou » par exemple. Jusqu’ici, j’ai toujours cru qu’il s’agissait d’un terme sympathique pour désigner une personne charmante ou gentille. Carrément. Forcément, quand une collègue m’a expliqué hier que c’était un mot assez péjoratif pour parler des lesbiennes, je suis un peu tombé des nues. Avant de repenser rétrospectivement à 6 années de conversation dans le milieu du transport routier, où lorsqu’on me disait « c’est une goudou » je répondais « oui c’est une fille sympa ». Mais désormais, je sais. Et heureusement que je sais, parce que j’avais besoin de ce terme pour bien appréhender La Vie d’Adèle, vu que dedans, on y boit de la bière de Goudou.

La bière me paraît être justement l’élément central de la Vie D’Adèle. Non pas que les personnages en consomment beaucoup, il s’agit plutôt de la nécessité d’en boire avant d’aller le voir pour que ça passe plus vite, ou au contraire après pour essayer de l’oublier. Parce que Adèle, elle a une vie de merde commune et sans grand intérêt, une vie de merde filmée pendant 3 heures en gros gros plans (et si possible avec un objectif photo floutant tout l'arrière plan), le genre où l’on ne voit jamais le menton et les cheveux en même temps, où à chaque fois que les acteurs bougent tout est décadré et où chaque plan en mouvement est une putain de plaie. On a vite l’impression d’être étouffé par ces rapprochements constants, se retrouvant presque mal à l’aise tant il n’y a aucun espace personnel autour de ces jeunes filles, aucune retenue. On ne pénètre plus leur intimité, on est balancé dedans, leur collant à la peau pour probablement mieux observer les basculements de leur existence, pour amplifier l’empathie dont on DOIT faire preuve. Rapidement, ça en devient dérangeant. Pas autant que cette obsession que le réal développe pour son actrice, ou pour les culs en général. Une obsession brute et sans aucune finesse, amenée avec la délicatesse d’un 38 tonnes lancé dans une crèche spécialisée dans les handicapés moteurs. Alors, non, ça n’est pas sale, je sais. Je suis même le premier à apprécier une jolie interprète avec un jean deux tailles trop petit, mais là, ça sonne tellement faux. Gratuit.

Un peu comme les fameuses scènes de cul. Il faut reconnaître que les actrices mettent du cœur à l’ouvrage. Pas de doublure (là-dessus, aucune ambiguïté, c’est bien elles), contact clair et net, ouais, elles donnent de leur personne. Sauf que là encore, ça sonne creux. C’est creux, totalement déplacé. Sans aucune délicatesse, sans aucune sensualité ou érotisme. On a juste deux corps en train de baiser froidement, sous l’œil d’un réalisateur ne faisant montre d'aucune forme d'empathie ou de tendresse. Or, pour une scène censée transmettre la passion dévorante, l’amour fou, c’est un coup d’épée dans l’eau. D’autant que le sexe revient régulièrement, et que si au début on peut en comprendre le but, arrive le moment où l’on se demande s’il sert vraiment le propos ou n’est là qu’à titre racoleur.

Mais ça n’est qu’un détail. Un détail, parce que ces scènes froidement torrides ne sont pas au cœur du film, de son histoire. Celle d’une jeune fille qui se cherche, mais en nous faisant chier. A coup de discussions insipides, de passages philosophico-bistrot des amis-tude, d’expressions torturées ressemblant très fort à quelqu’un n’étant pas allé aux toilettes depuis plusieurs jours. Comme quelqu’un qui s’emmerde, ou qui réalise des films français d’auteur. Mais des films d’auteur avec des jolies actrices dont on filme le boule et les parties génitales en gros plan, dont on zappe tous les enjeux intéressants (la découverte de l’homosexualité par son entourage, ses amis etc.), et à qui on rajoute masse de durée pour bien assommer le spectateur avec des enjeux aussi insipides qu’inintéressants parce qu’étirés sur trois putains d’heures dont la moitié ne servent à rien (et gavé d'ellipses en plus, je suis sûr que s'il s'était limité à 1h40-2h, ça aurait pu le faire sans perdre le spectateur en route). En l’état, le film lui-même ne sert à rien. Si ce n’est à gagner des Palmes d’Or dans une sorte d’esprit arty (génialement décrié dans le film et pourtant milieu où il cartonne le plus) et à créer des polémiques autour du sexe.


La Vie d’Adèle au final, c’est un film qui nous explique que oui, les Lesbiennes qui se découvrent peuvent avoir une vie de merde ennuyante et finissent elles aussi par être délaissées par leur compagne. Une histoire banale de couple quoi. Eh ouais, y’a pas qu’avec les mecs qu’on se fait grave chier, y’a aussi avec les meufs. Ou avec la Vie d’Adèle.
RaphiLeSobre
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le 12 oct. 2013

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