La beauté simple de la vie
Pour commencer, c'est magnifique. La photo, la lumière, tous les extérieurs en particulier, c'est beau. On a longtemps discuté du fait que les films français étaient éclairés depuis 30 ans comme des TV Films. Eh bien, pas là. Alors oui, la mise en scène toute en gros plans, c'est pas forcément rasoir, mais c'est clairement peu marquant.
Mais en même temps, cela permet de ne pas s'y attacher. Ce qui compte, c'est ce qui se passe. C'est La vie d'Adèle.
Dans ce titre, il y a évidemment Adèle. Ca aurait pu d'ailleurs s'appeler Les pleurs d'Adèle. Plus qu'une belle histoire d'amour, c'est surtout un film sur la solitude de la déception amoureuse, de se faire du mal, de pleurer à cause d'un lieu, d'une pensée qui renvoie à celui ou celle qui n'est plus là. C'est le manque à l'état pur, celui qui suit une passion achevée dans la douleur.
Et c'est certainement là un des gros points marquants du film, cette capacité à transmettre cela, ce manque, cette dureté qui donne envie de s'isoler, de s'enfermer et de se faire du mal jusqu'à enfin passer à autre chose.
D'un autre côté, c'est aussi certainement là une des grosses limites apparentes du film. La vie d'Adèle n'est jamais aussi puissant que lorsqu'il transmet le désir, à travers les sourires gênés, les lentes approches puis les brusques caresses. Et puis plus tard, donc, lorsqu'il touche au manque.
Mais là où le bat blesse, c'est lorsqu'il parle d'amour, parce que si le film est long, il a pourtant beaucoup de mal à générer l'empathie devant un couple qui s'aime. S'il est évident qu'Adèle et Emma ont un profond désir l'une pour l'autre, il l'est bien moins qu'elles s'aiment.
Du coup, plus qu'une belle histoire d'amour, La vie d'Adèle est surtout une belle histoire universelle tout court. Parce que bien plus qu'une histoire de couple lesbien, c'est une histoire de couple tout court. Est-ce une force ou une faiblesse, je ne sais pas, mais le propos du film est clair : Kechiche présente l'histoire avec une quasi-complète absence de discours sur l'homosexualité (à 2-3 maladresses près) qui rend du coup cela tout à fait interchangeable. Il parle de désir, de passion, de manque. Point.
La vie d'Adèle, c'est aussi la vie tout court, avec une écriture réaliste impressionnante. On pourra reprocher des séquences qui semblent inutiles(ment longues), mais au contraire, le film est une tranche de vie où les situations apportent toujours un élément à la psyché d'Adèle. On la suit le désir grimpant, ou sur la défensive face à ses camarades, ou face à la solitude, ou à la jalousie.
Pour autant donc, derrière un film très fluide (on pourrait appréhender le parpaing de 3h, mais non, ça passe presque tout seul), il y a aussi des actrices avec un charme plus ou moins relatif. Si Adèle Exarchopoulos est clairement formidable, avec un charisme, un naturel et un magnétisme impressionnant, Léa Seydoux impressionne beaucoup moins, et semble comme trop sûre d'elle, et au final, son jeu semble forcé à côté de celui d'Exarchopoulos.
Enfin, restent donc ces quelques maladresses qui parsèment le film. Ces personnages qui entrent et sortent du film sans faire grand chose. Ces amies homophobes qui finissent par lasser tant la scène semble forcée. Et puis, ces scènes de sexe qui paraissent hors sujet, parce qu'au final, elles ne renforcent nullement l'expression du désir, de la passion entre Adèle et Emma, bien mieux mis en scène hors du lit, notamment dans la magnifique scène du parc. Elles ne sont pas choquantes, ou provocantes, ou quoique ce soit, mais semblent clairement ne pas avoir l'utilité que Kechiche leur donne.
Quoiqu'il en soit, j'enjoins chaleureusement les gens à aller voir le film comme on irait voir un drame romantique.
La vie d'Adèle, c'est beau, c'est vivant, c'est humain. C'est la vie.