Film de Moshe Mizrahi, sorti en 1977, que j'ai vu à sa sortie. Ultérieurement, c'est-à-dire dans la foulée …, j'ai lu le livre de Romain Gary. Et j'ai aimé. Les deux.
J'ai aimé l'adaptation de ce puissant roman qui raconte, par la bouche d'un jeune adolescent Momo, la vie de Madame Rosa, ancienne prostituée juive qui s'est recyclée en nourrice d'enfants de femmes prostituées dans le quartier de Belleville.
Bien sûr, comme d'habitude, le roman contient plus que ne peut contenir un film.
Mais l'adaptation de Mizrahi est suffisamment subtile pour permettre un visionnage à deux niveaux.
On peut ne voir que l'histoire de Madame Rosa et de Momo. Bien des détails peu explicites ou qui paraissent sans importance dans le film n'empêchent pas de profiter pleinement de l'histoire. On prend alors comme ça vient. Mais quand on lit le roman après, il arrive de sourire, car certaines ellipses normales dans la bouche d'un ado, trouvent leurs explications. Un peu à l'image d'un puzzle dont on trouve les dernières pièces.
À l'inverse, si on a lu le livre avant, on peut deviner l'importance de certains regards ou l'insistance de la caméra sur un détail de la rue, d'un cadre au mur, …
Livre et film sont inextricablement liés.
Le grand message du film (comme celui du livre) est la coexistence pacifique de gens que tout oppose ou plutôt que l'actualité nous fait opposer. Juifs, chrétiens, musulmans, blancs ou noirs vivent en bonne intelligence dans un quartier sordide. Mieux, tout le monde s'entraide. Est-ce de l'angélisme de la part de Mizrahi/Gary ? Personnellement, je ne le pense pas car la description du quartier est tellement immersive qu'on s'y croit. Qu'on veut y croire. Qu'on veut croire que quand il ne reste plus que les fondamentaux de la vie, on se fout complètement de qui est qui ou qui est quoi.
La mise en scène est à l'image de ce quartier ou de cet immeuble déshérité, étriqué et sordide. Elle contribue à la crédibilité de ce petit monde.
Simone Signoret domine bien sûr la distribution dans le portrait d'une femme dans la dernière partie de sa vie. D'une femme qui s'est "défendue" un peu partout quand elle était jeune et belle et qui s'effraie alors des ravages de la vieillesse. Comme toujours, elle endosse son rôle à fond. Ce qu'il y a de formidable dans son jeu, c'est que jamais elle ne sombre dans le pathos. Si elle émeut, ce n'est pas tant de sa situation précaire que de sa générosité et de sa détermination. Un personnage fondamentalement positif.
Il y a bien sûr, le jeune Momo interprété par un excellent Samy Ben Youb, plein d'interrogations et qui se construit des réponses pas forcément idoines. Je ne sais pas s'il a poursuivi sa carrière au cinéma.
Le malicieux docteur Katz, c'est Claude Dauphin dans un de ses derniers rôles au cinéma.
Quant à Monsieur Hamil, censé faire l'éducation religieuse de Momo qui finit par porter non un Coran mais un livre de Victor Hugo, c'est Gabriel Jabbour qui est un second rôle qu'on trouve chez Verneuil ou Costa-Gavras.
D'ailleurs ce dernier est présent dans le film dans le rôle (presqu'un cameo) du docteur Ramon.
Au final, je suis très heureux d'avoir réussi à trouver ce film de Mizrahi que je n'avais pas vu depuis des lustres (très nombreux, les lustres). Je l'ai enfin trouvé très récemment dans une édition espagnole sous le nom de "Madame Rosa". Qui est le titre du film à l'étranger et qui a reçu un Oscar et bien d'autres prix …