Dans la première partie du film, on retrouve le mode hétéroclite de Kusturica, son bazar musical, son capharnaum extravagant peuplé d'animaux et d'humains clownesques organisés ici autour d'une gare neuve de Bosnie dans l'attente de son premier train.
Puis lorsqu' éclate la guerre yougoslave se dessine une histoire d'amour de type Roméo et Juliette, entre un serbe de Bosnie et une musulmane, invoquant la tragédie d'une guerre fratricide. Cette partie "sentimentale" du film n'est pas sans séduction ni poésie dans son expression successivement comique et dramatique.
Cependant, dans l'ensemble, la farce tragique de Kusturica, son univers incomparable et unique, ne m'ont pas autant convaincu que son "Underground" ou que son truculent "Chat noir, chat blanc". L'exubérance et les pitreries de ses personnages, aussi insolites et inattendues soient-elles, ne sont pas vraiment cocasses, précisément parce que les personnages ne sont pas construits, simples instruments burlesques des inventions du cinéaste. Ensuite, la profusion de scènes incongrues ne constitue pas une intrigue suffisamment structurée, au moins jusqu'à l'aventure amoureuse de Luka et Sabaha.
De cette densité émanent trop rarement ses séquences qui soient réellement émouvantes ou, sur un plan comique, efficaces.