Tout Au Bout du Rêve

Il y a quelque chose de séduisant dans ce film. Un scénario léger et fort à la fois,

douce rêverie autant que leçon de vie.

Habitué de la comédie déjantée, Ben Stiller adapte un recueil de James Thurber et livre une œuvre à l’apparence mineure, empreinte de poésie. Entre romance et aventure intérieure, Walter Mitty s’ouvre au monde et commence de s’accomplir. Walter Mitty se fait violence et prend pied dans la vie.

La photographie met en valeur des décors très graphiques et ce cadre permet à la mise en scène d’enfermer le personnage dans le réel, de toujours le confronter à ses propres limites. Par contraste, les déconnections qui le submerge voient son environnement se déstructurer : les lignes se brisent, le montage s’accélère soudain, pour des séquences où pointe l’extraordinaire. Cette première partie du film fonctionne bien, jusqu’à ce que

les différences entre le rêve et le réel s’estompent.

Si bien que quand le personnage commence d’agir enfin, il nous faut un temps pour nous en persuader. C’est efficace et poétique.

Une interprétation particulière de Space Oddity, de David Bowie, marque le tournant du film : Walter Mitty se lance à l’eau et intègre enfin ses rêves à sa réalité. C’est un moment de grâce, magique, émouvant. Ben Stiller, à la fois réalisateur et comédien, est parfaitement juste, mesuré, n’en fait jamais trop. Aussi bien dans son jeu quand dans sa mise en scène. Le film atteint un sommet lors d’une magnifique séquence avec Sean Penn, qui se contente d’un impressionnant minimum pour donner à son personnage une profondeur hors norme en si peu de temps à l’écran.

Un regard de patience sur le monde.

Après une vie de mesure, Walter Mitty saute dans l’inconnu et part au bout de ses rêves. Et comprend enfin, après une longue et morne existence, que le dépassement de soi ne demande rien de vraiment extraordinaire. Qu’un peu de volonté et de prise de risque peuvent faire de lui un héros ordinaire.

Ou comment Monsieur Tout-le-Monde illumine son propre quotidien quand il se décide enfin à vivre.

Tout au bout de ses rêves.