Où l'on chemine, aux côtés de deux vagabonds traversant la France et l'Espagne pour se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Chacune des étapes de Jean et Pierre (si, si), chacune de leur rencontre donnent lieu de la part de Luis Bunuel à une critique ironique et, par moments, acerbe de la religion chrétienne et de ses dogmes en ce qu'ils contiennent de contradictions, de sophismes et d'intolérance.
La plupart des scènes sont irréalistes, ou plutôt intemporelles, qui présentent Jesus et ses apôtres ou quelques dignitaires de l'Inquisition. Ce sont des séquences indépendantes les unes des autres et leur succession détermine la formé hachée du récit.
Si, parfois, le propos et le comportement des personnages secondaires peuvent sembler obscurs (ainsi dans la dernière partie du film, la moins concise, la plus déroutante...et sans doute pas la plus plaisante), on peut apprécier toutefois les inventions narratives et les figures surréalistes propres à l'oeuvre de Bunuel (pour exemple, ce combat à l'épée singulier, et plus que singulier, entre un jésuite et un janséniste).
Bunuel a bien des arguments pour moquer tous ceux qui prétendent détenir une parole divine, s'en font une interprétation exclusive et se croient investis du droit de censurer ou de punir les hérétiques. Ceux-là, pointant les lacunes et les complaisances de leur discours, le cinéaste les fait parfois ironiquement conclure par un impuissant et complaisant "les desseins du Seigneur sont impénétrables, tandis que les chrétiens qui croisent les deux vagabonds ne sont pas précisément les êtres charitables que leur foi affichée devrait faire d'eux.
Pour autant, Bunuel ne raille pas la foi et se garde bien d'infirmer l'existence de Dieu. Par son thème et son esprit iconoclaste, "La voie lactée" est un film savoureux où cohabitent la fantaisie, la causticité et une certaine austérité, voire de la gravité relativement aux exactions historiques du sectarisme religieux.