Intéressante, cette idée de faire un film sur les classes préparatoires aux grandes écoles (ici d'ingénieurs, mais cela a peu d'importance en soi). Car il s'agit de la matrice - quasi unique, on pourrait aussi mentionner Sciences Po - des élites françaises. Françaises uniquement, car c'est une spécificité nationale, même si certains autres pays ont des systèmes de formation pour leurs classes dirigeantes qui pourraient s'y apparenter. Quoiqu'il en soit, le truc est plutôt bien montré (durant les quatre premiers cinquièmes du film). Dont il ressort que l'objectif principal n'est pas nécessairement d'acquérir des tas de connaissances, puisque celles-ci ne seront que très peu utilisées durant la vie professionnelle à venir, sauf par les quelques uns qui deviendront professeurs ou chercheurs.
Non, l'idée est bien de préparer une population de jeunes adultes à une vie de travail acharné et de quête d'une forme d'excellence, au cours de laquelle il serait souhaitable qu'ils ne s'interrogent pas trop sur le sens de ce qu'ils font. Et, également, last but not least, de créer un esprit de corps. Ce qui est facilité - cela apparait nettement dans le film - par le fait que ces classes préparatoires constituent un parfait creuset pour la reproduction sociale. En l'espèce, c'est souligné dans le film par le fait que la protagoniste principale, Sophie, est issue d'une famille d'agriculteurs de Haute-Loire et qu'elle va se retrouver, en internat, avec quelques jolis spécimens de la jeunesse bourgeoise de Lyon. Bref, tout ça sonne assez véridique et comporte de plus quelques messages féministes et sociaux plutôt bien sentis.
Il est probable que Mermoud aura été inspiré par la vague de discours d'étudiants issus de ces grandes écoles qui, au cours des cérémonies de remise des diplômes, dénoncent le système dans lequel ils ont vocation à évoluer toute leur vie professionnelle durant. Malheureusement, la fin (le dernier cinquième) du film est quelque peu bâclée et s'oriente de plus vers un happy end cousu de fil blanc et très politiquement correct. C'est plein de bonnes intentions, ça se veut sans doute être un message d'espoir pour la jeunesse. Mais ça sous-estime ou occulte gravement à mes yeux les capacités d'absorption et de remodelage du capitalisme et de l'état français.
Ça n'en demeure pas moins un film bien interprété (mention spéciale pour Maud Wyler, en prof de physique méchante) et bien documenté qui repose sur un scénario (du moins dans sa majeure partie), des dialogues et une réalisation solides. Pas ennuyeux du tout et qui permet d'éprouver une véritable empathie pour certains de ses personnages.