Je n'avais jamais rencontré de femme parfaite. Elle existe ! C'est Constance Chatterley, que la fée Pascale Ferran imagine en créature angélique. Fée Ferran efface de sa baguette magique les défauts - si vulgaires - de l'héroïne du roman de D.H. Lawrence : - "Constance ! Je te donne la beauté, l'éternelle jeunesse, l'aristocratie par ta naissance, l'intelligence du cœur et de l'âme, une délicieuse sensibilité, le dévouement, la bonté, l'intelligence de l'esprit, de la curiosité et de l'empathie pour le peuple, la générosité, le don de gratitude, la politesse et le tact, le goût de la vie... Ah, zut ! Je crois avoir oublié deux ou trois qualités essentielles..."
Laissons Fée Ferran parachever son chef-d'œuvre de Femme parfaite. Mon amie - être imparfait mais dont j'apprécie l'esprit logique - s'exclame : "Tout de même ! Cette Lady pratique l'adultère avec un domestique, couvre ses amours par des mensonges, manipule son mari handicapé et son amant complexé, non ?" - "Tu n'as pas tort mon cœur... Mais Fée Ferran plane au-dessus des contingences sociales et morales. Elle croit en une liberté abstraite, gentille légende pour ados biberonnés aux contes de fées, elle se berce d'une Liberté Absolue affranchie de tout principe régulateur. Ce film est bel et bien un conte de fées..."
Que nous disent les contes de fées ? Que les méchants pimentent toujours les bonnes histoires. C'est pourquoi sir Clifford Chatterley est un mari handicapé et impuissant, aigri depuis la guerre. Il méprise le peuple, se réjouit du chômage des mineurs. Avec son égoïsme de classe, il trouve normal d'être riche, privilégié et s'en vante. Il gâche la vie de son entourage par ses caprices immatures (scène de la panne de sa chaise roulante). Pour contrebalancer richesse et aristocratie, la fée Carabosse penchée sur son berceau l'avait lardé de vices. Tromper un tel époux est compréhensible. Ce serait même, selon Fée Ferran, une vertu supplémentaire !
Un tel manichéisme gâche la beauté d'une Lady utopique, les scènes forestières et les intentions féministes de la réalisatrice. Le roman de D.H. Lawrence est infiniment supérieur. Parkin y est un garde-chasse plein d'expérience, séparé d'une femme qui a cherché à l'exploiter. Il initie Constance au plaisir charnel, se montre généreux, lui transmet sa philosophie de la vie.
Ferran Carabosse réduit Parkin à sa caricature : un homme viril au visage ingrat, à l'indécrottable complexe d'infériorité sociale. Berné par sa femme qui l'accuse d'être faible et féminin, il intériorise ce jugement ! Le voilà carrément pitoyable quand il perd son travail... Le titre du film ("Lady Chatterley") purge logiquement celui du roman ("L'Amant de Lady Chatterley") d'un mâle sans qualités. D'où un manque de sensualité dans les "scènes d'amour". L'érotisme naît de l'ambiguïté, du libre jeu entre les êtres, de la liberté des corps et des esprits. Jamais d'une confrontation entre l'archange du féminin et des grouillots de purgatoire !
Les histoires outrageusement manichéennes, même féministes, me barbent.
Aurais-je passé l'âge des contes de fées ?