Pendant presque toute la première moitié du film on se demande quel peut être l’intérêt de refaire ce qui a déjà été fait de multiples fois. On retrouve tous les éléments habituels de l’histoire du baron Frankenstein, nécessité de se procurer des cadavres auprès de personnes peu respectables, laboratoire, foudre, monstre qui s’échappe et qui assassine, villageois en colère… tout cela est d’ailleurs plutôt bien fait (à part la créature elle-même qui est fort peu réussie et qui, de surcroît, est presque tout le temps filmée en plein jour), très correctement réalisé, et tout à fait bien joué grâce à une assez belle distribution avec notamment Joseph Cotten qui a travaillé pour les plus grands, Hitchcock et Orson Welles notamment.
C’est vers le milieu du film que les choses changent et que le titre s’explique. Car la fille de Frankenstein, Tania, interprétée par la très belle Rosalba Neri, va prendre le relais après que la créature ait assassiné son père. Premier point très positif du film, il est franchement féministe, ce que le réalisateur confirme d’ailleurs dans l’interview en bonus de l’excellente édition du Chat qui fume. Car Tania a entrepris de faire des études de médecine, a réussi à devenir chirurgienne, et est même arrivée première de sa promotion bien évidemment uniquement composée d’hommes (nous sommes au XIXe siècle). Et Tania Frankenstein est non seulement un brillant chirurgien mais elle n’en est pas moins femme avec des désirs de femme. Et c’est là que le film devient particulièrement génial. Car le docteur assistant de son père est amoureux d’elle, il est intelligent, mais physiquement peu attrayant et Tania se doute bien que ce ne sera pas une affaire au lit. Par contre il y a un domestique fort beau, mais intellectuellement totalement demeuré qui lui plaît fort. Celle-ci a donc l’idée machiavélique de remplacer le cerveau du beau demeuré par celui du savant docteur ce qui permet de conjuguer à la fois chez son futur mari, comme dirait Offenbach, la beauté et l’intelligence. Le docteur, bien que peu enthousiaste, finit par accepter ce marché qui lui permettra enfin d’accéder à sa belle.
La scène la plus étonnante du film est l’assassinat du beau demeuré : Tania l’entraîne dans sa chambre, le déshabille, se déshabille et lui fait l’amour et, au moment de l’orgasme, elle le fait étouffer sous un oreiller par le Docteur. Elle atteint alors, au moment où le malheureux meurt étouffé, tout en la pénétrant, un magnifique et très sadien orgasme. Cette scène absolument extraordinaire, dans un film pour le reste bien trop classique, explique que les distributeurs français lui aient donné le titre racoleur de « Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle ». Ce qui est tout à fait ridicule, d’autant plus que le film est extrêmement sage et que c’est la seule scène de sexe de tout le métrage.
Bref, un film bien trop classique, mais transcendé par une scène d’une audace exceptionnelle.