Découvrir ce film m'a immédiatement évoqué un autre film Border (2018) de Ali ABBASI, les deux se déroulant dans ces terres imprégnées de légendes puisant à l'encre d'une nature et d'une terre de contrastes et même de contraires, minérale et végétale, glace et feu, règne animal et bestiaire fabuleux, des terres où croiser licornes, elfes et autres trolls ne semble pas réservé au monde des rêves, ces mondes à jamais unies dans des confrontations qui dépassent notre appréhension et au milieu desquels agissent et vivent des humains, presque contraints à croire ou du moins à accepter une réalité invisible.


Un couple élève des moutons, en quasi autarcie, la ferme isolée, noyée dans une campagne dont on se demande en tant que résidents de latitudes plus clémentes, quelle drôle d'idée a pu les mener à envisager y vivre de la terre, la vie se déroule cependant sans accrocs majeurs, des petits tracas du quotidien, des astreintes dictées par les aléas qu'impliquent le fait d'être loin de tout, mais rien de désespérant ou insurmontable au prime abord.


C'est la saison des naissances et le cheptel s'agrandit de quelques agneaux, mais l'un d'eux réserve à notre couple une surprise, une de celle qui ne peut naître que dans des mondes surnaturels, mythologiques ou oniriques. Cette petite créature se révèle être un hybride entre un agneau et un bébé humain, ou plus précisément une agnelle et une petite fille.

Alors que sur un tel sujet, je suis prêt à parier qu'un cinéaste américain ou issue d'une autre culture que la culture scandinave aurait fait le choix de développer un axe de narration glauque à base de soupçons de relations amorales entre l'homme et la bête, ici il n'en est rien. La chose est presque reçue comme normale, c'est un signe que lance une altérité supérieure à laquelle on ne peut rien, et du coup le couple adopte cette créature et l'élève comme la fille qu'ils ont perdus (ce n'est pas un spoil c'est dévoilé très rapidement) la prénommant d'ailleurs comme elle.


Et l'on suit dès lors cette famille à la fois normale et unique, et l'apparition d'un personnage tiers viendra apporter une pointe de suspens et même d'angoisse avant que la créature, tout comme elle l'a fait avec ses parents adoptifs ou le spectateur ne la séduise, non pas dans une acception érotique, ou une acception fantasmagorique comme le ferait une sirène mais avec rien d'autre que son innocence, double innocence d'une enfant et de l'agneau réunie en un être.


Mais tout comme la nature implacable, froide et éruptive qui enclos ce huis clos à l'air libre, conserve une aura d'entité supérieure, on devine une présence, un trouble qu'on ne sait expliquer mais qu'on ressent viscéralement, une entité dont on ne sait définir ce qu'elle est ni même si elle est hostile ou amicale, une présence dont semblent être conscients les moutons et qui réservera au couple un ultime acte qui rappellera que pour être conte, fusse t'il fantastique, fusse t'il symbolique ou à caractère pédagogique, il se doit d'être nimbé d'une forme de noirceur comme un rappel de notre destinée, un memento mori inéluctable et qui nous interdit d'aller plus avant dans ces mondes parallèles qui parfois nous invitent à jeter un œil dans leurs réalités avant de nous claquer la porte au nez avec violence et cruauté.


L'angoisse diffuse lentement et apparait une ultime contradiction, le mignon et le monstrueux, et chacune de ces idées, de ces concepts joue avec nos attentes, nos habitus, dans un mouvement passionnant.


Une vraie découverte, que j'ai longtemps retardé, à dire vrai j'avais acheté le dvd il y a plus d'un an mais reculait toujours le jour où je me confronterai à cette proposition particulière, radicale, mais quelle claque et si vous êtes clients de propositions iconoclastes, où le surnaturel et le fantastique s'inscrivent dans une réalité tangible, foncez !

Créée

le 15 juil. 2023

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