"La Isla Minima" figure parmi mes polars contemporains préférés ; ce remake allemand a beau lui être nettement inférieur, j'ai retrouvé avec plaisir cette enquête nébuleuse portée par deux flics antagonistes.
Ma note généreuse vient récompenser le bon moment passé devant "Freies Land", davantage que la qualité objective du remake ou le travail du réalisateur Christian Alvart.
En effet, ce dernier se contente d'adapter le scénario à la sauce germanique (en gros, le passé franquiste de l'Espagne cède la place à l'héritage totalitaire de l'ex-RDA), reprenant hyper fidèlement la trame du film d'Albert Rodriguez, transposant chaque élément narratif, chaque scène importante, ainsi que la plupart des plans iconiques. On retrouve ainsi ces plans de coupe des décors en vue aérienne, sublimant la campagne allemande des environs de Rostock (en réalité, le tournage s'est surtout déroulé en Ukraine).
Le pire, c'est que les rares fois où Alvart s'éloigne un peu de "La Isla Minima", c'est au détriment du remake : ainsi, "Freies Land" dure 20 bonnes minutes de plus que l'original, sans bénéfice notable, au contraire (on relève quelques longueurs, notamment dans la première heure).
Ses personnages apparaissent également moins complexes, sans doute trop lisibles, par rapport au duo Javier Gutiérrez - Raúl Arévalo.
Cela dit, ce nouveau tandem fonctionne, avec Felix Kramer dans le rôle de l'ancien de la Stasi, mi brute épaisse, mi bon vivant (incarnation du passé trouble), et Trystan Pütter dans celui du futur papa en jean-baskets (donc tourné vers l'avenir).
De même, si "Freies Land" n'est pas à la hauteur de son modèle, on assiste néanmoins à un polar efficace et divertissant. L'atmosphère de déliquescence morale est bien rendue, avec ces nouveaux trafiquants convertis à l'économie de marché, cette jeune génération fascinée par l'Ouest tandis que leurs parents méprisent le voisin capitaliste.
Par ailleurs, la mise en scène apparaît immersive, installant une ambiance mystérieuse et inquiétante qui sied à tout bon polar.
Et puis le scénario original de Rodriguez fait la preuve une nouvelle fois de sa redoutable efficacité, mêlant habilement divers arcs narratifs, et nous offrant à nouveau une enquête palpitante.
Au final, ce polar s'adresse plutôt à ceux qui n'ont jamais vu "La Isla Minima", ou bien à ceux comme moi qui l'ont apprécié au point d'être partant pour une légère variante à l'accent germanique.