La vie incroyable du pornographe Larry Flynt méritait bien un film, tant sa trajectoire a connu de rebonds souvent imprévisibles.
Initié par Oliver Stone, finalement simple producteur, le projet de biopic est confié à Milos Forman, qui va faire preuve d'une empathie incontestable envers son sujet. Il faut dire que la lutte d'un individu contre la collectivité, c'est un schéma qui interpelle personnellement l'ancien citoyen tchécoslovaque, traqué à l'époque par le parti communiste local...
Quitte à idéaliser quelque peu son héros, et à lui offrir un happy end moral devant la Cour Suprême...
Dommage que Forman survole complètement la success story du petit propriétaire de bar à hôtesses dans l'Ohio, devenu en à peine quelques scènes un géant du porno à la tête du magazine Hustler, rival beauf et décomplexé de Playboy (à l'érotisme plus guindé, et réservé au CSP+).
Le réalisateur se concentre en effet sur les décennies 70-80, celles des nombreux procès subis ou intentés par le héros (qui vont contribuer à sa célébrité auprès du grand public) - comme l'indique sans ambigüité le titre original ("The people VS Larry Flynt").
Même si la structure narrative du film apparaît parfois bancale, j'ai apprécié la plongée de deux heures dans cette époque fantasmée, à travers l'évocation de plusieurs personnalités/évènements plutôt méconnus de ce côté de l'Atlantique : le prédicateur Jerry Falwell, l'évangéliste Ruth Stapleton Carter (sœur du Président du même nom), les photos volées de Jackie Onassis, l'affaire Vicki Morgan, l'affaire John DeLorean...
On constate en outre qu'à l'époque du tournage, l'identité de l'agresseur de Larry Flynt étant encore inconnue, l'hypothèse formulée par Forman se révélera proche de la réalité, lorsque l'homme sera enfin arrêté et reconnu coupable, des années plus tard.
Un dernier mot sur les comédiens : si Woody Harrelson a tendance a en faire des caisses, je reste bluffé par sa prestation borderline, parvenant notamment à faire ressentir la déchéance morale du personnage lors de son internement en HP.
Choix controversé au départ, la chanteuse grunge Courtney Love apporte au film sa propre fragilité provocante, tout en tenant à distance ses addictions le temps du tournage - au point que Forman l'engagera à nouveau pour "Man on the Moon", son film suivant.
Quant à Edward Norton, remarquable de sobriété dans le costume de l'avocat Alan Isaacman, il apporte un contrepoint rationnel salutaire au milieu de toute cette agitation.