Roman POLANSKI et moi c'est l'histoire d'un rendez-vous manqué.


La première fois de ma vie où j'ai eu devant mes yeux un film du réalisateur franco polonais, en l'occurrence celui-ci, c'était lors d'un voyage en avion, en direction ou en provenance de Fort de France en Martinique où en raison de l'activité professionnelle de mon papa, j'ai passé mon enfance. Si la promesse d'un "bal" de vampires m'avais apriori excité, je me souviens m'être profondément ennuyé et le petit garçon de 7 ans que j'étais alors avait vite abandonné le visionnage pour s'occuper autrement.

Quelques années plus tard, j'ai 13 ans environs, et je viens de voir le Batman (1992) de Tim BURTON où la prestation de Jack NICHOLSON m'enthousiasme et me donne envie de découvrir sa filmographie. Apparait alors sous mon radar, Chinatown (1974), que j'imagine grossièrement comme une sorte de Scarface (1983) à Los Angeles avec des mafieux, des gun fight et du rythme, bon autant vous dire que la déception fut immense et que dans mon cerveau en développement d'adolescent, je rangeais Polanski dans la case des cinéastes chiants.

C'est bien plus tard que je redécouvrais un autre film de cet artiste, pas son meilleur, ni son plus apprécié, même si moi je continue en dépit d'évidentes limites à le défendre bec et ongles : La Neuvieme porte (1999).


Un petit aparté avant d'enfin parler du film, s'il me semble difficile de séparer l'homme de l'artiste, je pense en revanche qu'on peut séparer les œuvres de l'homme. A partir de là, et en ne voulant donner à quiconque la moindre directive sur ce qu'il convient de faire vis à vis des artistes impliqués dans des affaires de mœurs, j'estime que je n'ai pas à me priver en tant que spectateur de films déjà produits. J'estime par contre que continuer à récompenser l'homme au cours de cérémonies d'autosatisfecit se regardant le nombril et insultant les victimes pose problème.


Je décidais donc, ayant atteint l'âge de la maturité et ayant désormais une construction cinéphile plus fine et en tout cas plus ouverte de redécouvrir ce film et c'est sans regrets que je peux désormais affirmer avoir vraiment aimé la proposition.


Bien évidemment les plus fidèles parmi mes lecteurs ne manqueront pas de se souvenir que j'ai une vraie appétence pour la figure du vampire et qu'à compter de là, le film part normalement avec un net avantage sur ma subjectivité.

Le parti pris d'une comédie pour aborder le thème du vampire se révèle absolument passionnant et niveau comédie, je pense qu'on est dans le tout meilleur. Le film est hilarant.

Les deux personnages principaux, le professeur Abronsius d'abord, traité dans une veine slapstick qui à diverses reprises m'a évoqué Buster KEATON ou Charlie CHAPLIN dans sa gestuelle de pantomime à la fois athlétique, souple et malgré tout prête à se briser. Quand le geste provoque le gag visuel quand la parole ou le dialogue conservent une approche sérieuse, un flegme décalé qui ne peut que provoquer le fou rire. Les termes qu'il utilise à la fois désuets, précieux et soutenus concourent eux aussi à rendre ce personnage de savant fou attachant et profondément drôle.

Ajoutez à cela toute sa théorie sur les vampires qu'il chasse et qui permet de reprendre les attendus et caractères initiés par la littérature à propos de cette créature et vous avez un personnage dont la caractérisation allie avec brio un aspect très didactique et un aspect candide tous deux menés de front et de façon complémentaires.


Viens ensuite en guise de clown blanc le personnage de l'assistant du professeur, Alfred. Quand le premier parait presque inconscient des pièges qui s'ouvrent devant lui, en contrepoids Alfred de par sa peur parait être plus attentif aux signes, bien que cette alerte constante ne le protège pas systématiquement et que lorsqu'il se retrouve en fâcheuse posture, la séquence avec le fils du compte Von Krolock, dans une geste homosexuelle démente, est symptomatique de ceci.

Von Krolock ! Je pense qu'on tiens là le meilleur nom de vampire de l'histoire !


Alors bien sûr la comédie est un pan très libérateur et maîtrisé du film, mais le sujet central exigeant quand même d'être abordé avec une pointe d'angoisse et d'horreur ou au minimum de frissons glaçants, est lui aussi présent et formellement finement ouvragé. La peur d'Alfred est palpable bien que le jeu soit outré et donc dans le champ de la farce, les vampires et tout leur folklore gothique, fantastique, noir et lié à la mort sont l'occasion pour le cinéaste de nous abreuver d'effets spéciaux horrifiques remarquables.


Une photographie somptueuse, une mise en scène de haute qualité, décors et costumes d'une richesse dingue, un scénario épatant, des acteurs y compris les plus petits rôles brillants, une petite romance mignonne et dont la finalité, sans rien révéler à ceux parmi vous n'ayant pas encore vu ce monument, clos le métrage de façon à ce que ce ne soient pas les héros attendus qui sortent vainqueurs de cette confrontation des vivants au royaume des morts vivants hématophages.


Un classique que je n'avais pas compris enfant qui rentre dans mon panthéon cinéphile, une preuve s'il en fallait que parfois la réception d'un film se joue sur un rien.

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le 19 oct. 2024

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