Sublimé par une esthétique saisissante, ce film contemplatif scrute la survie face à l'oppression. Une œuvre ambitieuse, malgré quelques longueurs.
Au Soudan, le long du Nil, Maher (Maher El Khair) extrait de la terre pour la transformer en briques au sein d’une briqueterie. Par moments, il délaisse son quotidien harassant pour construire seul sa « maison », nichée quelque part dans le désert. Cet édifice est aussi une forme de mémorial d’un passé troublé et douloureux.
Le récit de ce Barrage est extrêmement ténu. Ce film s’apparente plutôt à une odyssée intérieure dans la tête et les émotions de Maher. Pour cela, il se repose sur des cadrages, une esthétique et un montage particulièrement soignés ainsi que sur un interprète exceptionnel. Rapidement, le caractère panthéiste de cette fable se révèle, nous immergeant, parfois littéralement, dans l’eau, la terre, le feu et l’air. Le réalisateur Ali Cherri cherche à universaliser son propos en fusionnant son personnage et son environnement. Le thème central tourne autour de la survie dans un climat de répression politique et de violences morales et physiques. L’objectif est ambitieux et en partie atteint. Toutefois, on peut reprocher à Cherri d’allonger se scènes, malgré leurs très beaux plans, au-delà du nécessaire. Habitué au format court, Cherri semble ne pas encore maîtriser le rythme d’un long-métrage. L’auteur aurait aussi pu donner quelques clés supplémentaires pour clarifier sa note d’intention. Si l’émergence brutale d’éléments fantastiques dans le film peut s’avérer passionnante à décortiquer, elle pourrait également laisser les spectateurs moins concernés sur la digue, ce qui les priverait d’une expérience et d’un flot d’émotions pour le moins singulier.