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The Stepfather, Joseph Ruben, U.S.A, 1987, 1 h 29

Aborder une œuvre considérée comme culte, sans se laisser orienter par son statut, plus de trente ans après sa sortie, c’est un exercice peu évident. En la revoyant, on se retrouve forcément influencé de toute l’aura qui l’accompagne. Prend alors forme une inclinaison à chercher pourquoi c’est culte, et plus tellement pourquoi le film est bon ou pas.


Tout, ou presque, a déjà été dit sur « The Stepfather ». De l’interprétation over-the-top de Terry O’Quinn à la violence psychologique de l’ensemble et surtout, sur l’explosion de barbarie lors du climax final. Devenu tellement culte, même si vous n’avez pas vu le film, il y a de fortes chances que vous ayez déjà aperçu cette séquence.


Traversant les années sans trop de rides, le métrage de Joseph Ruben demeure efficace, car il fait office de modèle dans son genre. Le réalisateur lui-même craignait de prendre en charge une commande relative à un banal slasher, qui en 1988 représentait le sous-genre dominant de l’horreur et avait déjà atteint ses limites. 1987 marque même l’année du déclin du Slasher avec « A Nightmare on Elm Street 3 : Dream Warrior », qui poussait le concept bien au-delà de son terrain habituel.


Pourtant ici, il n’est pas du tout question de slasher, puisque « The Stefather » tient plus du drame psychologique que de l’horreur ou de l’épouvante. Le personnage central, Jerry Blake, est un psychopathe, complètement malade et lâché dans la nature, dont on ne gratifiera jamais assez Terry O’Quinn pour lui avoir conféré une folie froide qui fait [encore] autant frissonner. Tout le propos du film réside ainsi dans la schizophrénie qui alimente Jerry, et les enjeux ne se résument donc pas à ses meurtres potentiels ou à une quelconque expression de l’horreur. Tout se centre sur comment cet homme malsain s’intègre dans le quotidien d’une mère et sa fille, au point de les entraver psychologiquement par de la manipulation et une extrême toxicité.


Ila libre inspiration de la vie de John List, qui en 1971 assassinat toute sa famille, avant de disparaître dix-huit ans durant, pour être retrouvé et jeté en prison (où il mourra à l’âge de 82 ans), fait que le plus perturbant dans « The Stepfather » c’est sa plausibilité. En effet, il n’est même pas besoin d’aller chercher en 1971, puisqu’une histoire comme celle-ci ne peut que rappeler celle de Xavier Dupont de Ligonnès. Dès lors, ce que l’on regarde devient terrifiant, car tout est balisé par des touches de réalisme, dont la performance habitée de son acteur principal ne permet que d’appuyer un peu plus l’inquiétude ambiante.


Particulièrement bien construit, le film s’ouvre sur une séquence terrible qui ne laisse aucun doute sur la nature du protagoniste. C’est un tueur, il a déjà tué, peut être plusieurs fois avant et le refera lorsque l’occasion lui sera (re)donnée. Tout le principe du métrage repose alors sur la manière dont il s’intègre dans cette famille, au point même de se subtiliser au vrai père d’une jeune fille, sommée de l’accepter comme son père. Prenant son temps, Joseph Ruben multiplie les plans inquiétants du beau-père, par une ambiance de plus en plus malsaine, dont l’issue ne fait aucun doute. C’est dans cette tension permanente que baigne alors l’audience, inquiète de savoir « quand ? » ce psychopathe, au visage de Mr tout le monde, va péter sa pile et se mettre à trucider le reste du casting.


Intelligemment menée, cette construction par strate favorise le climax, aujourd’hui entré dans la mémoire cinéphile, comme une apothéose. En effet, le film n’a jamais volé son statut culte, et ce dernier se justifie par la singularité même d’un scénario qui met en avant un type malade, non soigné et qui passe sous le radar. Dès lors, l’expérience de spectateurs devient haletante, car peu importe comment il agit, il ne peut créer la sympathie ou l’empathie : c’est un serial killer complètement pété du casque. Point.


En 1987, ce type d’orientation pour un métrage apparaissait encore audacieux. Si l’anti-héros à Hollywood réapparaît dans les années 1950, c’est seulement dans les seventies avec les cinéastes du Nouvel Hollywood, que des protagonistes edgy avec un code moral bien à eux, se popularisent. Faire d’un psychopathe le personnage principal est en cela assez novateur. Jerry Blake n’est pas un croque-mitaine, un mort-vivant, ou un homme sous un masque qui représente une idée, un concept. Il n’est pas non plus une entité démoniaque qui hante les rêves, non, c’est juste un type malade. Comme il en existe plus qu’on le pense dans la nature.


Cette brèche fût ouverte l’année précédente avec le très perturbant « Henry : Portrait of a Serial Killer » de John McNaughton, avec là aussi une performance hallucinante d’un Michel Rooker débutant. Si l’on peut citer « The Night of the Hunter » en 1955 ou encore « Cape Fear » en 1962 (qui connaît un remake en 1991), c’étaient là des productions sporadiques. « The Stepfather » marque ainsi l’apparition d’un sous-genre existant, qu’il représente en tant que trope codifier, sans rien inventer. Depuis, ce type de personnage apparaît régulièrement dans la production, plus complexe que l’anti-héros (qui comme sa dénomination l’indique est un peu un… héros), il respecte un cahier des charges bien précis.


Certes, le film de Joseph Ruben ne vole pas sa nature d’œuvre culte, mais il doit aussi sa notoriété à sa singularité et le fait d’être devenu le patron d’un sous-genre. D’une efficacité à toute épreuve, même à le revoir, la tension fonctionne toujours, l’ambiance détestable et malsaine qui baigne le métrage le rendent étouffant, peu agréable à regarder. C’est là une expérience éprouvante, qui reflète une maîtrise totale d’un scénario vicieux, auquel une mise en scène inquiétante et une interprétation rare favorisent un cocktail réussi. Et ça fonctionne toujours aussi bien !


-Stork._

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le 25 août 2021

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