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Les années quatre-vingt à la suite des succès d’Halloween et Vendredi 13 ont été celles du slasher et virent des hordes d’étudiants libidineux tomber sous les coups de psychopathes se distinguant par un masque ou un gimmick. C’est dans ce paysage que débarqua en 1987 ce mystérieux beau-père qui eut la bonne idée d’injecter à la mécanique du slasher la recette du bon vieux suspense Hitchcockien. Alfred Hitchcock lors de ses entretiens avec Francois Truffaut expliquait que le suspense naît quand le public a une longueur d’avance sur les protagonistes et peut participer à la scène Ainsi si une bombe est placée sous une table et que le public le sait une conversation même anodine devient tout à coup très intéressante. C’est sur ce principe que les scénaristes du film Donald Westlake (auteur culte de polars à qui on doit la création du personnage de Parker héros qu’on retrouvera dans le Point Blank de John Boorman ou le Payback de Brian Helgeland), Brian Garfield (auteur du roman Death Wish dont l’adaptation à l’écran est le fameux Justicier dans la Ville avec Charles Bronson) et le réalisateur Joseph Ruben (auteur trois ans plus tôt d’un excellent film fantastique Dreamscape) ont eu la bonne idée de bâtir leur thriller inspiré de l’histoire vraie du criminel John List (1925-2008) qui après avoir tué sa femme et ses enfants en 1971, s’installa dans une autre famille pendant 18 ans jusqu’à son arrestation (il sera démasqué grâce à l’émission de télévision America’s most wanted). Le Beau-père éponyme est donc un mystérieux psychopathe qui idéalise tant les valeurs familiales qu’il est à la recherche perpétuelle de la famille idéale, épousant ainsi des divorcées ou des veuves avec enfants. Mais dés que sa nouvelle famille s’écarte de son idéal et refuse de se plier à ses règles strictes il les exécute, prend une nouvelle identité, change d’apparence et de ville pour poursuivre sa quête. L’ouverture glaçante du film résume son modus-operandi montrant un homme se préparer méticuleusement dans sa salle de bains alors que la caméra s’attarde sur sa famille massacrée à la hache dans le reste de la maison. Dès lors, quand on assiste au mariage du mystérieux Jerry Blake (Terry O’Quinn) avec Susan Maine (Shelley Hack) mère d’une adolescente, Stéphanie (Jill Schoelen), le spectateur sait qu’un compte à rebours est enclenché, la fameuse bombe sous la table d’Hitchcock est amorcée…Susan n’est pas du tout impressionnée par son nouveau « père ». Comme elle se confie à son thérapeute, le Dr Bondurant (Charles Lanyer), le psychiatre fait un enquête en petit détective amateur et va s’approcher un peu trop de la vérité. Le film est plus thriller qu’un film d’horreur reposant sur la tension et le suspense plutôt que sur le gore car à l’exception des cadavres au début du film, aucun des meurtres n’est excessivement graphique. Une intrigue secondaire suit l’enquête de Jim Ogilvie (Stephen Shellen), le frère de la précédente épouse de Jerry, pour retrouver le tueur. Le film semble le présenter comme le héros téméraire qui arrive juste à temps pour empêcher le massacre d’innocents sauf que Westlake et Ruben se plaisent à jouer avec nos attentes. C’est aux femmes, et non au supposé héros que reviendra la tache de terrasser le monstre. Les 10-15 dernières minutes du film sont d’ailleurs parmi ses points forts et restent une séquence magistrale de tension aussi efficace qu’en 1987.


Le Beau-Père doit sa réussite à cette mécanique d’horlogerie implacable du script de Westlake que retranscrit parfaitement la mise en scène sobre de Ruben mais aussi et surtout à l’interprétation hallucinée de Terry O’Quinn. Le futur Locke de la série Lost est excellent dans la peau de ce maniaque caméléon qui fini par être dévoré par son obsession de l’ordre. De prime abord, O’Quinn le joue comme un homme si sincère et honnête que le spectateur prend presque son parti avant qu’à chaque contrariété on voit s’effriter le masque de père de sitcom pour laisser apparaître un maniaque terrifiant. Mais il introduit aussi un élément étrange de fragilité quand le psychopathe, perdu dans ses changements d’identité, fini par se demander à haute-voix « Attendez une minute, qui suis-je ici? » . O’Quinn est incroyablement crédible dans les deux aspects du rôle, parfois sombrement comique et présentant même les deux comportements en même temps dans une seule scène ! Au delà du film de genre le film a une dimension satirique et apparaît comme une critique des extrémistes (de droite) chantres des valeurs familiales qui fleurissent à cette époque aux États-Unis dans le sillage de la révolution conservatrice qui a suivi l’élection de Ronald Reagan. Le sujet est redevenu d’une actualité plus brûlante avec l’émergence de nombreux mouvements intégristes Tea Party aux USA ou la Manif pour tous en France dont on se doute que Le Beau-père serait un franc soutien. Le succès du film ouvrira la porte des grands studios à Joseph Ruben hélas pour des thrillers standardisés qui ne seront que des versions édulcorées du Beau-pere comme les Nuits avec mon Ennemi véhicule pour Julia Roberts ou Le Bon Fils donnant un rôle de psychopathe à contre-emploi à Macaulay Caulkin. Le film fera l’objet d’une suite/ décalque et en 2007 d’un remake tous franchement ratés. Plus de 30 ans après sa sortie, Le Beau-Père, -si certains des aspects techniques du film sont datés-, reste un modèle de thriller qui n’a rien perdu de son efficacité, en partie grâce à la mécanique de son script et la puissance de la performance de Terry O’Quinn.

PatriceSteibel
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le 24 juin 2020

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