Sophie (Ruby Barnhill) est une petite fille insomniaque. C’est ce qui explique qu’on la voie régulièrement sillonner les couloirs de son orphelinat à 3h du matin. C’est aussi ce qui explique qu’un jour, elle se retrouve nez-à-nez avec le BGG (Mark Rylance) dont c’est justement l’heure de sortie. Le BGG, c’est le Bon Gros Géant, un gentil géant très timide qui se promène la nuit dans les rues de Londres afin d’insuffler aux enfants leurs rêves ou leurs cauchemars. Afin que Sophie ne révèle pas son existence, il décide d’emmener la jeune fille aux Pays des Géants, chez lui. Mais en ce lieu, tous les géants ne sont pas aussi gentils que lui…
En adaptant le classique de la littérature enfantine de Roald Dahl, on peut dire que Steven Spielberg met toutes les chances de son côté. Même s’il a fait peu de films destinés à un jeune public, nul mieux que lui n’a su mettre en scène l’enfance, ses doutes et ses rêves (même quand ceux-ci sont brisés).
Avec Le BGG, il ne déroge pas à la règle, et nous embarque dans ce que son cinéma a de plus lumineux. Il y a bien une menace, qui se traduit à travers une bande de méchants géants, mais ceux-ci sont plus amusants par leur bêtise qu’effrayants. Totalement dénué de noirceur pour le reste, le conte de Spielberg s’avère donc un rêve bourré de poésie et d’optimisme à ras bord sans aucune contrepartie. Traduisant ce rêve par la grammaire visuelle unique qui est la sienne grâce à son fidèle directeur de la photographie Janusz Kaminski, un acrobate esthétique (presque) sans égal, le réalisateur nous emmène dans un long voyage fantaisiste d’une inventivité prodigieuse, et qui se maintient tout au long d’un film relevant presque du miracle cinématographique.
En effet, pour le spectateur qui aura signé le contrat et accepté de retrouver son âme d’enfant deux heures durant, Le BGG est un enchantement de tous les instants, et c’est avec des yeux qui s’écarquillent de minute en minute que l’on découvre le monde que Spielberg crée juste pour nous au rythme d’une partition toujours aussi pétillante de John Williams. Loin de l’univers délirant et foutraque d’un Hook, celui du BGG nous ramène aux grandes heures des contes de fées de notre enfance, au charme coloré dont les studios Disney se firent les plus grands porte-paroles. Ça n’est d’ailleurs pas un hasard, si, justement, les studios Disney produisent en partie ce BGG, marquant ainsi leur première collaboration avec Spielberg (mais on aimerait bien que ce ne soit pas la dernière). On retrouve en effet toute la magie dont ils sont capables, rehaussée ici par l’âme si belle de l’art spielbergien, et sa capacité à faire s’envoler le spectateur hors de son monde et hors de lui-même pour le faire voyager là où il ne peut même pas le concevoir. Ce voyage de l’imaginaire, Le BGG est peut-être bien le film de Spielberg qui arrive le mieux à le concrétiser.
Il est également la preuve que résumer la filmographie du réalisateur à des blockbusters d’aventure et des films historiques (au demeurant très réussis) est une profonde erreur. Non, chez ce grand enfant qu’est Spielberg, chez ce géant timide et créateur de rêves, un conte comme Le BGG n’est pas moins que les autres un grand film et surtout une pierre essentielle à cet édifice si majestueux et si beau que constitue l’héritage d’un des plus grands réalisateurs que le cinéma ait porté en son sein.