J'avais vraiment hâte de regarder ce nouveau film Netflix, surtout pour la performance de Viola Davis qui paraissait bluffante rien que dans la bande-annonce. Malheureusement, j'ai visionné Le Blues de Ma Rainey en ignorant la grille de lecture suivante, qui me parait importante pour le savourer pleinement : il s'agit ici d'une autre adaptation d'une pièce de théâtre de August Wilson, après Fences réalisé par Denzel Washington, qui a valu l'Oscar du meilleur second rôle féminin à la même actrice. Denzel Whashington se contente ici de la production et laisse la place à George C. Wolfe, inconnu pour ma part, mais ce dernier n'en est pas à son coup d'essai. Empreint des codes du théâtre classique, avec son unité de lieu, de temps et d'action, Le Blues de Ma Rainey peut déconcerter avec ses pans de dialogues touffus, son huis clos et son évolution très progressive. Je pense que j'aurai pu mieux l'apprécier si j'avais su à quoi m'attendre. Là, tout se passe dans un studio d'enregistrement à Chicago sous une chaleur étouffante, et ce pour quoi Ma Rainey est venue n'arrivera pas facilement à échéance... J'étais étonné du rôle de celle-ci qui est presque secondaire. Ce sont ses musiciens que l'on observe le plus discuter et débattre autour de la violence de la ségrégation. De ces frictions se dégage largement Chadwick Boseman, qui incarne ici son dernier rôle : il s'investit à fond et explore en profondeur et tout en nuance les ambitions et le traumatisme d'un personnage complexe et poignant. Il signe d'ailleurs un monologue qui, bien que saupoudré de théâtralité, devient la scène la plus emblématique du film. Viola Davis, en star du blues outrageusement maquillé et transpirante, est aussi remarquable dans la puissance et l'assurance qu'elle dégage dans un cadre où la crispation raciale domine. Bien que les lumières sépia soient jolies, je trouve la mise en scène très simple, voire académique et sans risques, ce qui finit par lasser. Seules restent les performances des acteurs et un sujet fort qui établit un lien direct avec l'Amérique d'aujourd'hui et son mouvement Black Lives Matter. Les passages musicaux viennent quant à eux gonfler l'atmosphère d'une force à vif qui définit bien l'identité du film. Je n'ai pas passé un mauvais moment, loin de là, mais l'adaptation ne prend pas le risque de nous surprendre. Le format est court mais long à la fois : la preuve, je me suis ennuyé. L'ensemble reste finalement très épuré et simple, marqué néanmoins par l'énergie folle de Chadwick Boseman.