Réalisé un documentaire n’est pas chose aisée, en particulier lorsque celui-ci est filmé caméra au poing. Lorsqu’on se lance dans un documentaire, on le fait pour faire passer un message en gardant un fil conducteur. Le piège de tourner autour du pot, de se perdre en chemin, de bifurquer ou de revenir en arrière est fatal et Le bois dont les rêves sont faits tombe en plein dedans.


Les tortueux méandres du documentaire commencent dès la première scène pour ne plus s’arrêter. Agrémenté de quelques monologues philosophiques, le documentaire nous fait suivre pendant 2h30 un patchwork d’individus dans le bois de Vincennes. Il y a ceux qui y vivent, il y a ceux qui y passent et il y a Claire Simon, la réalisatrice, qui va à leur rencontre.


Une scène qui se veut touchante, mais finit par tourner au ridicule, m’a particulièrement frappé. Lors du nouvel an Cambodgien, un homme d’une quarantaine d’année est interrogé. L’homme, troublé par les souvenirs douloureux de son départ du Cambodge exhumés par Claire Simon, annonce qu’il aurait aimé avoir des enfants, mais qu’il est maintenant trop tard. Et là, changement de plan, on filme un ballon lâché par un enfant qui s’envole dans le ciel et on continue à entendre l’homme confier ses regrets. Ouah… Sans aucun doute la plus belle métaphore du cinéma…


Et il y a ces insupportables « ouais » qui ponctuent presque chaque phrase de la réalisatrice. La plongée dans ce bois se veut intimiste, que les personnes interrogées aient la part belle, mais le rôle de la personne qui les interroge ne peut être négligé. Le fait de ne filmer presque que des marginaux met au final plutôt mal à l’aise et donne l’impression d’assister à ces caravanes de l’étrange des années 30 où l’on exhibait fièrement femmes à barbe, géants et nains. On finit par se surprendre à rigoler sur des scènes affligeantes comme celle du vieux pervers qui se tripote devant des couples.


Le plus ridicule reste sans doute la tentative d’amener une portée philosophique à ce qui est filmé. La voix off de la réalisatrice lisant de temps en temps des textes courts ou des passages sur les réflexions de Gilles Deleuze filmé dans l’université de Vincennes, ajoutent à la confusion générale régnant dans ce qui est montré et dans ce qui est dit.


Un documentaire qui n’a ni queue ni tête prenant en otage le spectateur pendant 2h30, preuve qu’il ne suffit pas de posséder une caméra pour se prétendre réalisateur.

Vincent-Ruozzi
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le 7 avr. 2016

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