Le Fion, la Flûte et le Gluant.
Un silence ecclésiastique sur un ciel qui écrase tout.
Un silence paisible comme une nonne, soudain violé par le coyote de Morricone.
Une farandole truculente et macabre, un truc un peu lent mais tellement grand où trois filous cherchent un trésor en or pendant la Guerre de Sécession.
Un blond cynique, fils de pute par excellence, un vautour tenace avec des plaies à la place des yeux et un bronzé qui transpire le vice et les vicissitudes.
Que le Nord et le Sud se déchirent, ils n’en ont rien à foutre, tout ce qui les intéresse, c’est le roro. Des Racailles Magnifiques en ménage à trois qui coince par ci, par-là, et pour qui l’Enfer de la guerre est un terrain de jeu, un Paradis.
Leone filme un opéra, un carnaval de cadavres où la barbaque porte encore ses flingues au ceinturon, où elle boucane, Santiags biseautées aux pieds, en pointillés, et sème sur sa route les futurs locataires de boîtes en sapin.
Il invente l’oasis, le mirage.
Où l’on croit pouvoir boire par les yeux, hypnotisés, et s’abreuver, étancher cette soif qui taraude à tant de beauté déposée sur la toile.
Poète de la poussière et la boue, il farde sa vérité, son fantasme, d’une violence qui suinte et dégouline, baroque, captivante jusqu’à l’ivresse, l’excès, et son extase apnéique ultime, la jouissance : l’éjaculation cinématographique.
Leone joue avec le temps comme s’il avait les clés. Il pince entre ses doigts boudinés l’élastique. Il tire dessus jusqu’à le faire blanchir, jusqu’au point de rupture. Tu passerais ta langue sur le caoutchouc, il en aurait changé le goût.
Il sublime son rêve de l’Amérique, chorégraphiant en sarabandes circulaires les trajectoires de ces spectres putréfiés.
Il plombe son récit de sueur et de sang, peint des paysages panoramiques où l’Homme est tout, et rien.
Où juste une poignée d'entre eux, trois sortes de demi-dieux, se dressent, jambes écartées et bastons de regards, de mascarades en coups de pute, jusqu’à la confrontation finale, aux portes de l’au-delà.
Juste avant, à nouveau, le silence.