Le Bossu par Gérard Rocher La Fête de l'Art
Tous les manieurs d'épée, qu'ils aient de bonnes ou de mauvaises intentions, sont avides de découvrir le secret de cette sacrée "botte de Nevers", un coup d'escrime incroyable qui, au terme d'une pirouette, vous tue un homme, la lame le transperçant entre les deux yeux avec une précision chirurgicale. L'inventeur de cette trouvaille n'est autre que le séduisant et volage duc de Nevers, époux de Blanche de Caylus de qui il reste sans nouvelles depuis pas mal de temps. Un beau jour Lagardère, jeune homme sans père ni mère, fougueux et bon manieur d'épée, lui apporte un pli émanant de sa femme lui annonçant qu'elle est enceinte. Le duc se montre tout surpris de cette nouvelle d'autant que les lettres précédentes avaient été détournées par le fourbe Gonzague son cousin, jaloux de la fortune du duc et amoureux fou de Blanche. Le soir de la noce, l'affreux Gonzague, aidé de nombreux malfrats, massacre les invités, assassine lâchement le duc de Nevers et enlève Blanche. Toutefois Lagardère parvient à blesser Gonzague lui laissant une marque indélébile avant de se sauver avec Aurore, l'enfant du couple, afin de la protéger. Les malfrats le poursuivent et pensent avoir réussi à le supprimer mais c'est sans compter sur la volonté de vengeance envers l'assassin du duc et l'affection de Lagardère pour Aurore. Ils vont se réfugier au sein d'une troupe d'acteurs bohémiens et regagner Paris afin de peaufiner la vengeance. Transformé en bossu à l'insu de tous, Lagardère va réussir à infiltrer la résidence de Gonzague en devenant son bouffon et son conseiller, pouvant ainsi approcher Blanche de Caylus qui vit recluse, lui révéler la vérité et surtout la rassurer sur le sort de son enfant. Gonzague finira par se faire duper par ce bossu qui va l'entraîner dans un duel décisif.
Bien évidemment, le célébrissime défi tiré du roman de Paul Féval : "Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère ira à toi" sonne à nos oreilles et bien que connaissant l'issue de cette tumultueuse aventure, chacun reste suspendu comme par magie aux astuces et aux démêlées de nos protagonistes.Il convient pour Lagardère de sauver cette mère cloîtrée dans une chambre et assumant seule son désespoir et son impuissance, et Aurore, sa fille, qu'il tente d'élever tant bien que mal en la protégeant de ce terrible Gonzague. Lagardère, aidé de quelques bohémiens et amis personnels, a heureusement plus d'un tour dans son sac. Il a l'épée facile, l'art de la parlote et celui de la simulation. En effet le rôle de bouffon difforme lui va fort bien pour gagner la confiance de son adversaire. Grâce à cette nouvelle astuce, il pourra porter à son ennemi l'estocade en bouquet final et tirer tous les bénéfices de cette périlleuse aventure qui aura duré seize longues années.
Les épées s'entrechoquent, la "botte de Nevers" est toujours aussi inattendue qu'efficace et Lagardère toujours aussi séduisant. On ne peut s'empêcher de comparer ce "Bossu" new-look à son aîné d'André Hunebelle dans lequel Jean Marais avec sa mini-vague excellait. Or on peut constater que la tignasse et l'impertinence de Daniel Auteuil dans ce rôle de justicier fait merveille dans cette version plus académique de Philippe de Broca. La réalisation est efficace, les décors chatoyants et au travers de cette renaissance du cape et épée on s'aperçoit que ce style n'est pas aussi ringard que certains ont bien voulu le croire car l'on parvient à rester captivé par cette histoire pourtant archi célèbre mais toujours spectaculaire. Fabrice Luchini nous campe un Gonzague troublant et aussi badin et détestable que naïf. Notre Lagardère ne pouvait pas être en plus charmante compagnie qu'avec Marie Gillain dans son rôle d'Aurore, jeune fille un peu rebelle et amoureuse de son sauveur. Vincent Pérez dans le rôle de Nevers se montre plein d'entrain dans ses combats mais son rôle se termine malheureusement assez vite. Et puis il y a le plaisir d'entrevoir Philippe Noiret qui se rappelle ainsi à notre bon souvenir. Toute cette cavalcade haute en couleur est magnifiquement rythmée par la musique de Philippe Sarde.
Le cape et épée est un peu pour nous ce que le western est à l'Amérique et à la vue de ce film, grâce ici à Philippe de Broca, nous n'avons pas à rougir de la comparaison. Dans la mesure où vous n'avez rien contre ce style d'aventure, n'hésitez pas à vous divertir en regardant ce film qui vous fera en plus découvrir le Paris d'antan et notamment la rue Quinquenpoix fort bien reconstituée.