Difficile de jouir d'une bonne image lorsque l'on est publiquement celui qui œuvre à la mise à mort d'autrui. Même si l'exécution est une décision de justice, le bourreau est contraint d'être mis à l'écart de la société. C'est ainsi que débute El Verdigo : José Luis accompagné d’un collègue attendant de récupérer le cadavre d'un criminel. Malgré tout, les messes basses se portent davantage sur le bourreau que sur le condamné.
Cet exécuteur apparaît sous les traits d'Amadeo, un vieil homme dont la vulnérabilité physique est loin de justifier tous les préjugés de sa fonction, seule sa mallette contenant le garrot la matérialise. C'est lorsqu'il oublie, que José Luis est sommé de le suivre jusqu'à chez lui afin de la lui rendre. Un instant qui déclenche, tout en préfigurant, la suite des événements, José Luis rencontre Carmen en tenant d'ores et déjà le symbole de sa future profession. Lui qui était tout aussi méprisant que le reste de la population à l'égard d'Amadeo, se voit rapidement entraîné dans une succession d'événements face auxquels il se retrouve impuissant. De la grossesse inattendue de Carmen, qui le contraint à l'épouser, à l’appartement qui l’oblige à succéder à son beau-père, les séquences s’enchaînent avec un effet elliptique accroissant l'incompréhension, la soumission du personnage face à un destin qui lui échappe. Cet agencement temporel se joint au détachement avec lequel est affichée la tragédie. De son côté, la routine de la vie de famille œuvre autant à la désillusion qu’à l’aliénation. Et bien que José Luis espère échapper aux sentences et profiter des avantages de cette nouvelle profession, la mort ne cesse de le suivre. Notamment, lors d'un spectacle sur l'eau auquel assistent le protagoniste et sa femme, un officier, voguant sur une barque, l’appelle au microphone, lui rappelant ainsi sa fonction morbide. La tournure, prise par l’instant, évoque le Styx mais conserve ce second degré qui sous-tend l’ensemble du film. En effet, l’inquiétante logique organisant les péripéties et la destitution de liberté qu’elle entraîne se chargent d’un humour noir. L’alliance de tons, propre à la forme de cet humour, insuffle un décalage qui met d’autant plus l'accent sur l’interprétation des faits. Compte tenu que ce n’est plus seulement sa famille qui pousse José Luis à effectuer sa première exécution mais le système judiciaire. Même s’il affirme ne plus vouloir recommencer la réponse d’Amadeo conclut avec sarcasme « Moi aussi j’avais dit ça la première fois ! ».