Comme une annonce de son destin, la première œuvre interprétée par Winslow est une cantate sur le mythe de Faust. Cette référence est centrale dans la tournure prise par la relation entre le compositeur et le charismatique producteur Swann. Lorsque l’on s’approprie son œuvre musicale, Winslow attente des actions ne faisant qu’accroître la dominance de l’immoralité incarnée par Swan. De la requête pour affirmer sa légitimé à la revanche, les démarches du musicien se soldent par des échecs irrévocables, il se retrouve en effet défiguré et perd sa voix. Cette infériorité physique s’accompagne d’une passion à l’égard de Phoenix, une jeune chanteuse talentueuse pour laquelle il concède un contrat de compositeur avec la société de production de Swan, l’unique condition étant que ses compositions soient interprétées par celle-ci. En ce sens, le pouvoir de création est apparemment le seul qu’il lui reste. Cependant, le film manifeste l’aliénation de l’organisation de la production musicale, autant sur les artistes que sur les œuvres conçues. En outre, le pacte Faustien modifie au gré des tendances les partitions de Winslow. Cette abondance de changements est sujet à la critique, l’art se contente d’une fin et omet par conséquent la finalité. Au fond, le culte de l’image prône et avec un cinéaste amateur du sujet, le film traite habilement le basculement de la réalité à la représentation. Avec une exubérance des formes, une recherche du mouvement et un contraste des registres, Phantom of the paradise est une œuvre baroque : elle jouit de l’exubérance que lui offre son moyen d’expression. Au-delà du mythe faustien, De Palma use comme à son habitude d’une multitude de références cinématographiques. Ce procédé échappe à la simple allusion distanciée pour s’insérer dans un continuum au rythme entrainant mais non moins dissonant. Tout comme le tempo musical, le récit s’exécute à des allures significatives ; de successions effrénées d’événements à des suspensions passagères, l’ensemble se distance d’une cohérence vraisemblable. Le maelstrom visuel entraine les personnages vers la tragédie de leur destin. L’asservissement de Winslow envers Swan est redoublé par celui de ce dernier envers son reflet, sa propre image à laquelle il s’est soumis pour ne plus subir les ravages du temps. En incarnant un Méphistophélès cause de sa propre damnation, Swan cristallise la vanité rongeant le champ artistique. Du pathétique au fantastique en passant par les formes du comique, ce film musical est une expérience sensorielle singulière emportée par la démesure de son récit cynique
Loglady
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le 5 févr. 2014

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