Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet autoproduisent leur troisième collaboration en s’entourant d’amis, et déroulent
un film de guerre expérimental et anxiogène
en enfermant les soldats ahuris d’une dictature aux allures fascisantes dans un bunker sombre et labyrinthique. Au cœur d’une nuit d’anomalies et de dérèglements frénétique.
Dans un
monochrome gris vert d’images sales et surexposées façon archives,
c’est d’abord la vie morne dans l’enfermement qui régule l’ennui des hommes, mais bientôt un compteur dysfonctionne, part à rebours, et c’est toute l’atmosphère muette qui s’emballe, les hommes perdent pied. Dans un impressionnant travail sur le son (alarmes, ronronnements électriques, coups de feu et vrombissements, hurlements électroniques, claquements sourds de machineries invisibles, résonnance métallique d’une goutte d’eau), l’expérimentation du délitement bestial de l’enfermement ronge les esprits et les hommes s’entretuent.
Puissant court expérimental,
Le Bunker de la Dernière Rafale évoque les angoisses invisibles de l’équipage de l’Alien de Ridley Scott, et l’atmosphère graphique autant que la charte de couleurs sont déjà celles que le futur réalisateur d’Alien : Resurrection utilisera alors. Marc Caro ne s’oublie pas non plus, décors poisseux et rouillés, obsessions mécaniques, influence steampunk : les aspects les plus anxiogènes de La Cité des Enfants Perdus. Caro et Jeunet se forgent à l’école du court-métrage avec intelligence, cherchent en s’amusant, innovent, et construisent de solides bricolages leurs futurs
univers claustrophobiques et désillusoires.