Film policier noir d'Henry Hathaway réalisé en 1947 d'une grande efficacité.
Hathaway met en scène un malfrat déchiré entre une vie honnête avec sa femme et ses deux enfants que la société ne lui accorde pas à cause de son casier judiciaire et de poursuivre sa "carrière" de gangster. A la suite d'un hold-up qui foire, le malfrat est emprisonné et un deal lui est "offert" par le procureur, d'être un mouchard au service de la police. Or, on sait que ce type de situation n'est pas vraiment une assurance pour vivre vieux …
Au début du film, un encart précise comme souvent à cette époque que le film est complètement filmé en décors réels (par opposition au studio) : ceci marque un peu le renouveau du cinéma américain d'après-guerre et accentue le réalisme de ce type de film.
Le casting est construit très intelligemment.
En effet, Victor Mature joue le rôle du malfrat qui va devenir mouchard. Ca semble être une drôle d'idée que d'avoir choisi ici cet acteur plus à l'aise à faire jouer ses muscles dans les péplums. Et pourtant il est très convaincant dans ce rôle complexe et ambigu de l'homme pas très à l'aise entre sa volonté d'avoir une vie honnête et en famille et la vie aventureuse qu'il a toujours connue et qui va devoir surfer avec sa nouvelle mission à haut risque. Un autre acteur, grosse pointure genre Mitchum ou Fonda, ou encore un acteur habitué des rôles de gangster n'aurait pas aussi bien rendu.
Autour de Victor Mature, deux acteur et actrice sont frontalement opposés :
Coleen Gray qui joue le rôle de la mignonne amie d'enfance de Nick, le personnage joué par Mature, qui est l'espoir et la lumière positive.
Richard Widmark dans le rôle du tueur psychopathe Tom qui représente l'avenir incertain de Nick et la face sombre et négative.
C'est le premier rôle au cinéma de cet acteur qui frappe très fort ici avec des scènes violentes très connues comme l'assassinat de la vieille dame handicapée dans un escalier. Ou encore son rire sardonique et grinçant. Le risque pour Widmark est que ce premier rôle le marque à un point tel qu'il en devienne un stéréotype et ne fasse plus que des rôles comme celui-là. Heureusement, il saura montrer ultérieurement la grande palette de ses talents d'acteur.
Hathaway nous montre tout son savoir-faire pour créer un climat angoissant à plusieurs reprises.
La fuite des gangsters par l'ascenseur du gratte-ciel où l'ascenseur n'en finit pas de s'arrêter pour prendre des passagers alors que le temps est compté ou encore la scène du rideau où on devine la présence de Widmark.
Une voix off, féminine, rassurante, s'élève au début du film, au milieu et à la fin. Le spectateur ne comprendra qu'à la toute fin à quoi elle correspond. Elle permet de prendre du recul sur le film et à la fin, jette une ambiguïté sur la conclusion. Je ne suis pas loin de penser que l'idée de cette voix off et de son évolution tout au long du film est assez géniale.
Au final, c'est un efficace film noir de Henry Hathaway dont on se demande encore une fois pourquoi les distributeurs français ont éprouvé le besoin de traduire le titre original "Kiss of Death" en un improbable "Le carrefour de la mort".