Le colonel Matthews,responsable de l'attaque du train postal Glasgow-Londres,fait-divers réel survenu en 63,veut plusieurs années après rééditer son exploit en dérobant les fonds secrets de l'OTAN transportés par le train Paris-Bruxelles.Mais Arthur,un petit truand fasciné par l'affaire du Glasgow-Londres,a la même idée,ce qui va compliquer sérieusement les choses."Le cerveau" est généralement considéré comme un Gérard Oury assez raté,ce qui avec le recul semble plutôt injuste.Sans doute le public,alléché par l'opulente affiche et la réputation du réalisateur,s'attendait-il à quelque chose de plus brillant mais le film,loin du contexte de sa sortie, se bonifie avec le temps.Ce n'est certes pas le meilleur Oury mais ce mélange de comédie et de film d'action fonctionne très bien.Le cinéaste,qui sortait des triomphes du "Corniaud" en 65 et de "La grande vadrouille" en 66,s'est vu octroyer de gros moyens pour cette coproduction franco-italienne qui associait la Gaumont d'Alain Poiré et Dino De Laurentiis.Oury a écrit le scénario avec ses complices habituels,sa fille Danièle Thompson et Marcel Jullian,alors que de grands professionnels tels que le musicien Georges Delerue ou le directeur de cascades Rémy Julienne sont de l'entreprise.Le principal défaut du film est un manque de consistance dû au fait que de nombreuses stars sont présentes et qu'il faut leur donner à toutes de l'espace,ce qui n'est pas simple quand elles ne participent généralement pas aux mêmes scènes,d'où une légère tendance à l'éparpillement qui nuit parfois au rythme.Mais l'équilibre est parfait dans le ton d'une histoire qui oscille constamment entre humour et suspense,bien que la rigolade l'emporte nettement.On assiste donc à une suite de morceaux de bravoure dépotés avec une grande ampleur par un Oury plutôt inspiré,du saccage involontaire de l'appartement de Matthews par un Arthur traqué par une panthère à un déclenchement intempestif de feux d'artifice dans les ruines d'un château,en passant par une évasion de prison astucieuse,un délire à base de bouées dans une piscine ou une poursuite mouvementée sur le port du Havre envahi par la foule.Et puis évidemment il y a l'attaque du train,petit miracle de mécanique de précision qui voit les deux groupes de malfaiteurs accomplir le casse avec réussite sans même se rendre compte de leur présence mutuelle.Le film bénéficie d'une importante figuration et d'une débauche de matériel et de décors,comme on dit le pognon est sur l'écran.Au final,c'est finement orchestré et très distrayant,du vrai bon ciné populaire.Le casting international n'est pas étranger à la réussite de l'ensemble,à commencer par deux mégastars françaises de l'époque,Jean-Paul Belmondo et Bourvil.Le premier apporte sa gouaille et son impact physique lors des cascades qu'il effectue comme à son habitude lui-même tandis que le second vient en contrepoint drôlatique dans son personnage fétiche de benêt geignard qui finit toujours par suivre à contrecoeur son copain.L'anglais David Niven,éternellement classieux et distingué,campe délicieusement un Matthews déterminé en génie du crime aux plans contrariés.L'américain Eli Wallach,ce bon vieux Tuco,en fait un peu trop en mafieux italien sournois et soucieux de la vertu de sa soeur,mais le registre burlesque n'est pas sa spécialité.Dans cet instantané de culture sixties apparait toute une équipe de seconds couteaux de qualité qui peuplaient les films de ce temps-là avec leurs tronches marquantes,les Raymond Gérôme,Jacques Balutin,Henri Attal,Dominique Zardi,Patrick Préjean,Robert Dalban,Pierre Tornade,Henri Genès,Fernand Guiot,Paul Mercey,Max Montavon,Mario David ou Gérard Hernandez.Deux futurs cinéastes figurent parmi les assistants d'Oury et ont sans doute été pistonnés puisqu'il s'agit de Jean-Marie Poiré,le fils d'Alain,et de Jean-Claude Sussfeld,sans doute en famille avec le Robert du même nom qui officie ici en tant que directeur de production.Pour finir,notons que Niven et Belmondo étaient tous deux à l'affiche du James Bond "Casino Royale" deux ans plus tôt.