L’intrigue du Chat à neuf queues fait ourdir son complot dans les coulisses d’un laboratoire pharmaceutique et c’est avec un certain regret que l’on constate que ses résonances restent assez terre à terre (réduisant l’instinct meurtrier à une histoire de génétique). La qualité de son tandem principal – un journaliste bogartien (James Franciscus) et un aveugle sagace (Karl Malden) – garantit malgré tout une certaine intensité à la distillation de son suspense (avec ses pics classiques mais efficaces). De cette construction assez sage émerge cependant quelques audaces qui porte la griffe du cinéaste. Son personnage aveugle, est l’occasion idéale d’expérimentations perceptives avec quelques incursions, brèves mais remarquables d’images mentales prémonitoires qui projettent, par le montage, le film dans son propre futur, créant l’espace de quelques secondes un temps hybride et relatif, contaminé par son destin.
Surtout, l’étirement temporel, générateur de suspense, se trouve une évolution poétique dans la brutalité singulièrement réaliste des meurtres. A la faveur de gros plans longs et fixes, la caméra semble glaner le dernier souffle des corps en agonie avec une rigueur clinique étrangement mélancolique. Le suspense hitchcockien migre petit à petit vers une poétique de l’instant qui tient, renvoyant sans cesse à sa brièveté la contradiction d’une suspension sauvage et violente. Argento semble moins filmer le suspense, qu’enregistrer la douleur du temps.
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