De tous les longs métrages de Miyazaki, Le Château Ambulant est probablement celui qui marque l'apogée de son style : plus exhubérant qu'un Château dans le Ciel, plus riche encore que Le Voyage de Chihiro, ce dessin animé s'illustre de bout en bout par un sens du merveilleux incroyable.
Les villes, hybrides, à la fois européennes et futuristes, à la fois magiques et humaines, sont prodigieuses. On découvre des palais de princes aux serres luxuriantes, aux escaliers majestueux, des foules qui se pressent pour s'acheter des vêtements dans des rues à l'architecture soignée, des avions aux allures futuristes, thème obsessionnel chez le réalisateur. Le Château Ambulant c'est Miyazaki au superlatif : tout y est plus grand, plus coloré, plus imaginatif, sorte de syncrétisme de toute son oeuvre. L'animation est à son comble, absolument stupéfiante. A présent ce sont des dizaines d'animations à l'écran en même temps, Miyazaki est totalement libre et a les moyens de sa liberté.
L'histoire est en revanche un peu plus convenue. Certes le personnage de Sophie, transformée par une sorcière en vieille femme est une jolie fable mais est un peu terni par une histoire d'amour étrange entre elle et Auru, un jeune et ténébreux sorcier. Le personnage de Calcifer, petit démon de feu qui anime le fameux château ambulant, demeure du jeune sorcier Auru nous offre l'humour nécessaire à chaque dessin animé de Miyazaki. Les autres personnages, un chien pataud, un épouvantail ensorcelé, un petit garçon volontaire, une sorcière cruelle mais amoureuse, et tout un tas d'apparitions féériques parviennent à rendre le récit attachant et jamais manichéen. Comme d'habitude Miyazaki croit en l'intelligence du spectateur et propose une intrigue nuancée et complexe. La musique de Joe Hisaishi, éternel compagnon musical du réalisateur parvient encore à faire merveille. Tout les ingrédients sont là, mis bout à bout dans une apothéose qui laisse moins place à l'émotion - c'est peut-être ce qui m'a manqué ici - qu'au spectaculaire.
Mais on pardonnera tout à Miyazaki qui nous propose un univers hallucinant. Ce film est un rêve éveillé. Ce château, fantômatique, baignant dans une brume mystique aux sommets de collines bucoliques avec ses fenêtres, ses poutres, ses terrasses, ses tuyaux, palais flottant par dessus le monde, qui déambule dans un royaume féerique, sorte de carrefour des mythes, contes et légendes du monde entier, nous invite irrémédiablement au voyage et comme Sophie, la jeune couturière de 18 ans qui n'était pas prédestinée à l'aventure, on s'y embarque volontiers et on en redemande. L'oeuvre est immédiatement universelle, pour petits et grands. Miyazaki au sommet de sa gloire.