Cahin-caha va le monde…

Il était une fois un monde kaléidoscopique, fait de magie et de technologie, de rêves et de conquêtes, de sorcières et d'innocents.
Emergeant des écharpes brumeuses de la haute lande, on entraperçoit une enchevêtrement d'éléments hétéroclites. Cet assemblage constitué de bric et de broc se meut avec pesanteur, crachant fumées et produisant force grincements. Construction animée par une magie démoniaque, elle est le domaine d'Hauru, magicien au visage protéiforme.

Dans ce monde inspiré de l'Europe du début du XXème, la magie existe. Elle côtoie néanmoins la technologie à vapeur. Les cuirassés, tanks, ailettes volantes et autres proto-machines (qui évoquent le Reich de Guillaume 1er) épaulent les soldats aux couleurs vives (manifestement inspirés des uniformes français de la fin du XIXème) qui vont livrer bataille à un ennemi tout aussi déterminé. Le bellicisme des deux guerres mondiales est invoqué ici, avec son cortège de bombardiers qui égrènent des chapelets de bombes incendiaires. Les japonais n'ont pas oublié les tapis de bombes qui ont dévasté le monde moderne et pas seulement leur archipel.
Cette sombre époque est réhaussée ici par les couleurs chatoyantes de maisons à colombages sorties tout droit d'un moyen âge magnifié. Quel bonheur de contempler une fois encore, sous le crayon habile d'Hayao Miyasaki, ces sublimes architectures, ces cuivres chatoyants mais aussi ces paysages bucoliques que ne renieraient les Helvètes ! Dans une cité industrieuse, Sophie, jeune modiste, se voit emportée malgré elle dans un différent qui oppose la sorcière de la lande à Hauru. Cette mésaventure va lui coûter de nombreuses années de vie mais elle saura faire face à cette cruelle avanie. Sophie va alors découvrir le monde incroyable qui se tapit dans l'antre du château ambulant.

Servi par une galerie de portraits imaginative et merveilleuse, ce récit nous emporte dans un tourbillon de magie, de conflits et de rencontres inoubliables. De l'épouvantail sauteur en passant par le démon du foyer, de la sorcière valétudinaire boursouflée au magicien changeforme, ce voyage permet aussi de sonder le cœur des créatures vivantes. C'est ainsi une vibrante invite à contempler le monde avec émerveillement sans occulter les horreurs qui l'habitent. Des cendres de l'âtre à celles des villes englouties par les flammes, il n'y a qu'un pas... aisé à parcourir pour qui peut sélectionner les passages magiques.

Dans une narration typiquement nippone qui laisse la part belle aux divagations, l'esprit peut s'abandonner à la délicate mécanique de ce château ambulant.