La Belle et la Bête en vrai
Ce premier long métrage de Joseph Mankiewicz, qui a selon toute vraisemblance inspiré les studios Disney pour la Belle et la Bête, est un film ambitieux qui tombe malheureusement à plat dans sa dernière ligne droite. Après une introduction trop axée sur la religion, il devient très intéressant dès lors qu'on arrive dans le château surplombant la montagne. La photographie en noir et blanc est superbe, les décors tout en boiserie sont majestueux et la scène de valse ravira les fans de Sissi. Mais c'est quand le film prend une tournure sombre et surnaturelle qu'il est le plus palpitant : Mankiewicz laisse supposer la présence d'un fantôme et d'une malédiction, il nous tease avec un secret concernant le personnage principal, alors forcément, on cogite, on est à l'affût du moindre indice, et on va même jusqu'à s'imaginer des histoires de vampires ou de satanisme, aussi improbables soient-elles... Tout ça pour qu'au final ça fasse plouf. Le réalisateur retombe vite dans la routine hollywoodienne, et nous bassine avec une lutte des classes et un triangle amoureux qui font méchamment retomber la tension.
Vincent Price (le rire et la voix de Thriller) n'en est pas moins impressionnant en aristocrate impassible et réticent à tout changement. Gene Tierney ne fait quant à elle qu'étaler sa beauté dans le rôle d'une nunuche qui rêve d'être princesse. La petite fille et Magda la gouvernante sont à mes yeux des personnages bien plus intéressants, mais elles disparaissent sans la moindre explication au beau milieu de l'histoire.
Même si j'ai passé un bon moment, je regrette que Mankiewicz n'ait pas axé tout son scénario autour des mystères du château de Dragonwyck : les quelques passages gothico-surnaturels laissaient présager d'un grand film de frisson avec moult révélations fracassantes, mais au final, il n'en est rien, et le spectateur que je suis a la légère impression de s'être fait balader...