On entre à Cinecittà par le tram bleu et blanc. Cette arrivée, c'est celle qu'empruntent jeunes et vieux acteurs aux ambitions diverses. De manière amusante, Mastroianni fait partie des jeunes acteurs italiens que Risi contribuera à faire monter. Le temps d'un film, on va partager leurs rêves avec une honnêteté introspective qui fait presque pressentir La Dolce Vita.


Cinecittà, c'est la Hollywood italienne, et à bien des égards les deux sont des villes dans la ville : chacune bien différente de ce qui les entoure, ce sont les creusets où se subliment les espoirs mais où, le plus souvent, se vérifient les craintes. Risi explore pour nous les us et l'administration de ce petit monde étrange qu'on atteint rarement mais dans lequel on n'entre, paradoxalement, jamais par la grande porte. Il dévoile l'alchimie de la célébrité, celle des personnalités-types qui la recherchent, et révèle pourquoi il faut commencer ingénu (au féminin, le plus souvent) pour espérer un jour égaler le charisme froid que les jeunes comédiens admirent par exemple chez Anna Magnani.


Que l'ignorance des impétrants prenne sa forme de naïveté ou d'arrogance, le cinéma est un monstre qui s'en nourrit et qui transforme les gens en les brisant. Est-il horrible de voir ainsi l'espoir et l'ambition écrasés, les femmes objetifiées, les guerres financières, les conflits d'intérêts, et la flagornerie qui coulent dans les veines de la ville du cinéma comme en un anti-Vatican où le vice devient vertu ?


Risi nous montre, très tôt, la facette d'une ville qui est une usine de visages, nous laissant avec notre responsabilité. Car si Cinecittà se repaît d'espoirs, c'est avant tout pour notre bon plaisir. Sera-t-on d'accord que l'innocence et la jeunesse soient amenés devant les bureaux des producteurs comme à l'abattoir ? Acceptera-t-on de voir la souffrance que coûte notre divertissement ? Ne se devait-on pas, en 1953, de considérer un végétarianisme moral de peur que l'hédonisme médiatique d'après-guerre ne se révèle décadent ?


Le dilemme est heureusement obsolète de nos jours en ce qui concerne Cinecittà, ce qui rend doublement intéressant de voir des acteurs se prêter au jeu d'un cinéma glamouromane.


Quantième Art

EowynCwper
7
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le 10 avr. 2021

Critique lue 70 fois

Eowyn Cwper

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