Le Cheval de Turin par geoffrooy
Alors oui, allergiques aux films contemplatifs, fuyez. Le Cheval de Turin ferait passer Tarkovski pour un hyperactif.
Dès le premier plan-séquence, une des plus belles ouvertures de film que la terre ait porté, le ton est donné: le sujet n'est ni un cheval, ni un vieil homme, pas même une époque à deux doigts d'être révolue, mais bel et bien le sublime.
Le Cheval de Turin fait partie de ces oeuvres -rares- qui, à chaque seconde, à chaque plan, ne cessent de rappeler que le sublime est constamment autour de nous. Il peut être partout. Même dans des verres de palinka bus par un vieillard et sa fille dans une baraque isolée et à moitié plongée dans l'obscurité. Il ne tient qu'à nous de le déceler, de rechercher la beauté dans l'essence de toute chose. Pendant 2h26, Tarr, beau joueur, le fait pour nous, à grands coups de plans-séquences bluffants, de noir et blanc tutoyant la perfection, et de musique si vibrante qu'on jurerait que le violoncelliste a posé son archet sur les cordes de notre âme. Ici les mots sont superflus, car existant uniquement pour tenter de se calquer sur une réalité que l'on peut déceler par bien d'autres moyens. Mais lorsque la musique se coupe et que le générique tombe, que la vie reprend ses droits, Tarr a fait son job et ils nous revient de poursuivre et faire vivre le deal: n'oublions pas que le sublime peut se trouver partout, et surtout là où on ne l'attend pas.
Et puis, je n'avais jamais vu la ruralité filmée de façon aussi belle depuis "La ligne générale" d'Eisenstein.