La fierté et la bêtise sont faites du même bois.


C'est par l'adresse que vaut le bûcheron, bien plus que par la force.




Irréductible Paul Newman.



Avec Le Clan des irréductibles, Paul Newman présente une adaptation du célèbre roman de Ken Kesey (que je n'ai pas lu), dressant le portrait d'une famille de bûcherons indépendants de la petite ville de Wakonda dans l'Oregon confronté à une grève générale dans leur branche de métier pour protéger leur activité contre l'arrivée d'un important conglomérat économique d'entreprises.


Revendiquant fièrement leur indépendance, Henry Stamper (Henry Fonda), son fils Hank (Paul Newman), ainsi que le cousin Joe Ben (Richard Jaeckel) refusent de participer au mouvement continuant à couper et livrer le bois car ils n'ont qu'une parole, infligeant le mécontentement de leurs camarades bûcherons qui ne les laisseront pas faire.


Pour sa seconde réalisation, Newman avec habileté, ingéniosité et subtilité, cultive adroitement son récit en démontrant l’honneur par l’intégrité, au mépris du refus et de l'objection du peuple, via une famille américaine de bûcherons essentiellement traditionaliste et fondamentaliste, partiellement phallocrate, où chacun des protagonistes est animé de fortes personnalités, régentées avec parcimonie par le patriarche.


Une vision rude, honnête et honorable, parvenant à capter la nuance de cet autoritarisme par une affection dificilement visible, mais bien existante entre les membres. Une sincérité des corps dramatiquement touchante, finement élaborée, les renvoyant à la dureté physique du métier.


L’intrigue est appuyée d'une mise en scène performante, mettant en avant des scènes grandiloquentes aussi bien abruptes qu'empoignantes. Une description aussi bien terre à terre avec sa longue mais pas inintéressante démonstration du métier de bûcherons par des images impressionnantes, que son sens allusif sur les violences commises aussi bien par la famille, que l'opposition.
En cela, l'histoire laisse un minimum songeur pour sa proposition antipopuliste au profit des grosses entreprises dans une ambiance contre prolétaire, où la classe sociale pauvre passe pour les idiots méchants (même si elle est loin d'être innocente elle aussi).


Certaines séquences tiennent du génie, attestant sans mal du talent de réalisation de Newman. Plus particulièrement autour de trois séquences:
- La fameuse scène de l'accident avec un Henry Fonda démembré ainsi qu'un Richard Jaeckel bloqué, que Paul Newman tente de sauver dans un jeu où tous trois sont bouleversants de véracité. Une scène absolument remarquable à l'intensité sans failles! Une mise sous tension extrême.
- Les séquences du réveil avec le petit déjeuner en famille avant d'aller travailler sont d'une technicité hors pair. Toute la contextualisation ainsi que le fond de ses personnages résident dans ces séquences qui sont intelligemment réalisées.
- Le cadre final avec le bras du père arraché faisant un fuck au gréviste est amusant, même s'il est la stupide résultante d'un choix dramatiquement âpre démontrant clairement la non-compréhension, ou l'entêtement illogique d'Hank.


Ce final amer où Hank Stamper n'apprend finalement rien des leçons abruptes endurées tout du long, s'entêtant dans cette fierté amèrement nocive. Hank a tout perdu, et pourtant coûte que coûte, il veut livrer son bois, faisant de cette quête un but ultime dont le résultat n'apportera fatalement qu'un peu plus de fierté mal placée au vu des conséquences qu'il en résulte (les morts ainsi que tous les grévistes devant s'écraser devant l'opulence).


Un constat sans appel démontrant profondément la bêtise humaine. Heureusement, Hank a malgré tout la chance d'avoir gagné un fils Leeland (Michael Sarrazin), bien plus évolué et moins entêté qui pourrait être la réponse en faisant à la longue évoluer la famille, l'empêchant de sombrer dans sa flagrance.


La puissance d’interprétation de l'ensemble de la distribution est un vrai plaisir. Le trio Paul Newman, Henry Fonda et Richard Jaeckel illumine de prestance le film avec un développement aux p'tits oignons autour de leurs personnages. Michael Sarrazin ainsi que la comédienne Lee Remick (Viv Stamper) sont eux aussi bien incarnés. Seulement, ils auraient mérité un peu plus de développement sur les finalités de leurs parcours respectifs.


La dualité entre Hank Stamper et son fils Leeland (du moins je le présume) est un peu trop brumeuse, ce qui est dommage au vu de certaines révélations. En effet Hank aurait potentiellement été abusé par la mère de Leeland à l'époque qui avait 30 ans alors que lui n'en avait que 14 au moment du rapport. Sachant qu'elle était en couple avec Henry le père de Hank et grand-père de Leeland.
Ahhhh la famille il n'y a que ça de vrai je vous le dis!


CONCLUSION:


Le Clan des irréductibles est un long-métrage d'une subtilité inattendue autour d'une famille de bûcherons traditionaliste, brillamment incarné par un casting quatre étoiles, réalisé avec un soin des plus honorables. Paul Newman a su harmoniser avec brio les ambitions du récit par une narration intelligente évitant de sombrer dans la facilité du mélodrame basique. Son inclination à communiquer sans mettre de gant les vérités cachées aussi scabreuses soient-elles, démontre un réel savoir-faire de procédé volontairement purgé de tout mensonge pour aller direct au but. Un grand merci à Ugly à qui je dois la découverte de cette oeuvre.


Une surprenante signature de Paul Newman pour un drame familial âpre de réalisme.

B_Jérémy
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le 19 sept. 2019

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