Le moins que l’on puisse dire, c’est que Le Client est un film sans artifice et réaliste. Asghar Farhadi réussit à traiter un sujet grave, qui revient souvent dans l’actualité aujourd’hui : l’agression sur les femmes, sans tomber dans le mélodrame. Les personnages d’Emad et Rana illustrent parfaitement la difficulté de communication après un traumatisme pareil. Tous deux cherchent à communiquer, à trouver des solutions, mais il s’en conclut des dialogues de sourd. Comme cette scène où Emad doit faire un choix cruciale entre aller travailler ou protéger sa femme. Ce qui est d’autant plus fort, c’est l’implication du mari face à la détresse et la réticence de son épouse. Tous deux nous conduisent à un retournement de situation finale, où les rôles seront inversés, jusqu’à nous faire éprouver de la pitié une fois l’identité de l’agresseur révélée.
Cette tension dramatique est par ailleurs, aussi paradoxale que cela puisse paraître, soulignée par l’absence de musique. Car le silence entre les personnages est assez représentatif de leur mal-être, mais il confère aussi à l’action un suspens glaçant. Sans savoir ce qu’il va se passer, nous contemplons la porte de l’appartement de Rana et nous sentons qu’un mal va y pénétrer, mettant le spectateur dans l’attente et la crainte.
Cette attente, peut aussi avoir son revers de la médaille. Par moment, nous avons l’impression que le scénario tourne en rond, que le personnage d’Emad abandonne sa quête, ou n’y met pas de grande conviction. On ressent alors un flottement entre le mari et sa femme, comme le manque de passer à la vitesse supérieure : contacter la police ou abandonner ? La question revient un peu trop souvent. Les scènes au théâtre donnent un peu plus de rythme à la narration, mais il faut attendre les trente dernières minutes pour que le scénario reprenne vie, lorsque Emad décide de préparer sa vengeance.
Seul autre reproche que l’on pourrait faire au film, c’est d’avoir un peu trop éclipsé la principale victime, Rana. Il est intéressant d’aborder le drame du point de vue du mari, qui reste d’ailleurs dans le floue, comme le spectateur, sur ce qui est réellement arrivé à sa femme. Cependant le personnage de Rana, traumatisé, reste en retrait, voir peut-être trop, au point que l’on croit plus voir un film sur la vengeance du mari que sur les problèmes de couple qu’un tel événement peut engendrer. C’est le choix du réalisateur (scénariste par ailleurs), mais cela aurait pu rendre le scénario plus fort et plus poignant d’avoir les deux points de vue de ce couple qui cherche à panser ses plaies.