Voir (découvrir) au cinéma un animal se faire trucider < ou pire : torturer > n'est pas une expérience plaisante, fiction ou pas.
Savoir qu'on va le voir est encore plus déplaisant.
Dans Le Cochon, la bête agonise.
Elle n'a pas été engourdie au préalable et a de surcroît été mal égorgée, au point qu'un des types s'affairant autour du supplicié demande au bourreau :
Comment tu as fait ton compte ?!?
Une fois le décès constaté par les graves bonshommes en casquette fumant sous les flocons, une mécanique s'enclenche, inspectée par le petit chien de la ferme tournant autour du lieu du massacre (noir&blanc) comme un facétieux contremaître.
Échaudage et grattage durent dix minutes.
La somptueuse carcasse, massive, blanche et lisse, est alors minutieusement décapitée, au couteau ; la tête est lavée, puis suspendue à une corde, contre un mur.
S'ensuit le démembrement (indolore !), sous les sifflotements, puis l'éventrement, l'éviscération...
Même l'humour s'invite sur le sanglant autel. Au gars s'apprêtant à ouvrir la musculeuse pompe à sang (afin de la nettoyer de ses dernières gouttes d'hémoglobine), un autre, taquin et pagnolesque, lui sort :
Tu me fends le cœur !
Il faudra ensuite attaquer la carcasse à la hachette et au marteau, puis faire une pause gnôle quand un homme plus jeune, sa fillette dans les bras, s'invitera à l'abattoir.
On reprend alors le dépiautage : les divers intestins sont séparés, mesurés, ; tout est réparti ; chacun a une tache qui lui est dévolue ; les femmes attendent à l'intérieur... on ressert un coup à boire.
Rillettes, saucisses & Co. prennent naissance.
Le magnifique animal (200 kg ?) soigneusement élevé aux seules fins de ce sacrifice < en tout cas : de ce rituel > est ... pulvérisé.
Tuer le cochon, c'est quelque chose qui se perd [un des sacrificateurs]
À ceux qui feront la fine gueule, pointeront du sabot la médiocrité du son < le lourd accent de ces paysans cévenols rend en plus la compréhension très difficile > et la banalité du filmage, d'autres rétorqueront que, malgré tout, ce documentaire est précieux, puisqu'il montre la destinée individuelle, individualisée, d'un porc, quand d'autres, "industriels" < surtout un demi-siècle après >, ne sont que des objets inconsidérés.
Je rejoins ces contre-attaquants, mais ils oublient l'essentiel : les cinq premières minutes du film et le trucidage foireux du pauvre bestiau.
Un directeur d'abattoir < je ne parle ni de l'élevage ni du transport > voyant Le Cochon peut légitimement demander, narquois, à un défenseur de la cause animale : "Ah bon ? ... C'était mieux avant ?!"...