Clan y en a plus, y en a encore
Bienvenu dans le monde de Gu Long tel que défini par son plus brillant illustrateur ! Après des films comme Magic Blade et Killer Clans, Chor Yuen commençait à être rodé à l'exercice d'adaptation des intrigues à tiroirs imaginés par le fameux écrivain. Le réalisateur n'était pas non plus lassé par ce type d'univers comme ce sera le cas dans les années 80. Pour toutes ces raisons, le Complot des Clans est une autre réussite à l'actif de son auteur.
Les grandes figures de Gu Long sont toutes présentes : Des luttes de pouvoir sur fond d'arts martiaux, des pointes de fantastique et d'érotisme, des trahisons et manipulations... Et pour organiser tous ces éléments, l'auteur s'inspire des films Hitchcockiens et autres polars où le héros est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Une influence occidentale pas vraiment surprenante quand on sait que la Guerre des Clans était lui partiellement inspiré du Parrain ! Ce mélange des genres s'avère une nouvelle fois gagnant. La progression de Ti Lung dans son enquête est menée de main de maître par Chor Yuen, soucieux de conserver un rythme soutenu à son film. Pas le temps de se reposer dans le Complot des Clans, il y a toujours une personne à rencontrer, un lieu ou aller, un indice à comprendre. Pour autant, Chor ne laisse pas le spectateur se perdre dans les méandres de son intrigue et prend soin de distiller chaque nouvel élément en temps voulu, une fois que la piste précédente a bien été comprise et digérée.
On remarquera aussi au passage que le Complot des Clans ne puise pas uniquement son inspiration du coté de l'Europe ou des USA mais aussi à Hong Kong même. Comment expliquer autrement ces scènes de jeu que Wong Jing n'aurait pas renié (le genre du gambling était apparu en 1974 rappelons le) ou ce palais magique faisant penser aux univers fantastiques des Wu Xia Pian Cantonais des années 60 ? Ne nous y trompons pas, ce mélange d'univers est typique du cinéma Hong Kong et la capacité à assembler ces éléments divers en un tout harmonieux, la marque des meilleurs réalisateurs locaux.
Chor Yuen ne brille pas que dans la gestion de son récit, sa mise en scène mérite aussi des éloges. Le réalisateur s'appuie, à raison, sur les studios et les équipes techniques compétentes mis à sa disposition par la Shaw pour créer son univers onirique. Les lumières sont travaillées, les couleurs vives, les décors amples... Le monde du Complot des Clans est tout en esthétisme, loin du coté brut des films de Chang Cheh. Une sensibilité quasi féminine qui trouve son contre point dans l'importance des personnages féminins. Dans le Complot des Clans, le meilleur guerrier est une femme, l'identité sexuelle est au cœur du mystère et l'amour féminin décliné sous toutes ses formes (pour un père, pour un homme, pour une femme... On repense au fameux Intimate Confession of a Chinese Courtesan du même réalisateur). Peut être à cause de cette délicatesse exprimée à plein par Chor Yuen, on peut trouver les combats du Complot des Clans assez quelconques. Pas mauvais mais, eu égard aux standards de la période en la matière, plutôt convenus et manquant de technique ou de folie (le final rattrape un peu la donne à ce niveau).
Un bémol bien faible car l'intérêt du film n'est pas là, c'est avant tout pour sa beauté visuelle et son scénario bien troussé que le Complot des Clans mérite d'être vu. Voila qui devrait rabattre le caquet de tous ceux qui pensent que films d'arts martiaux et sophistication ne font pas bon ménage !