Quand les mots chantent les blessures de l'âme humaine

• Ayant vu deux fois ce film , je devrais en avoir des choses a écrire sur cette si attendue adaptation du comte de Monte Cristo ! Et pourtant face a la beauté éclatante de ce chef d'œuvre , tous les mots me semblent dérisoires ... Que dire si ce n'est que ce nouveau comte de monte Cristo, petit frère des trois mousquetaires , réalisé par Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte est une véritable oeuvre d'art où chaque détail contribue à l'exceptionnelle puissance dramatique du film ?!
• Il est vrai que cette version semble s'amuser à tomber dans le sarcasme le plus noir , le mélodrame le plus tragique quant à l'histoire tourmentée de Edmond Dantes(que) . D'abord si insouciant dans ses habits lumineux, il tombe brusquement dans la plus sombre des rancoeurs tout de noir vêtu. Et pour cause comment ne pas avoir le coeur arraché face à ce héros moulé dans la tragédie grecque et sa fatalité ? Comment ne pas être marqué par cet homme ayant tout perdu malgré la violence de son innocence , marqué au fer rouge par son histoire et s'improvisant dieu pour faire goûter l'enfer a ses ennemis ?

• La force du film est de zoomer sur la peine immense de Dantes , le mal qui le ronge et qui fait de lui un être froid dénué d'empathie à l' hubris vengeresse démesurée. La musique vrai personnage du film si présente et quasi oppressante accentue ce drame atroce et par son martèlement rappelle la perversité qui s'est emparé du coeur de Dantès.
• Mais même les coeurs les plus noirs battent encore . Il me semble que l'incarnation de Edmond Dantes par Pierre niney est celle qui vient le plus lui apporter cette noble fragilité, cette fébrilité comme si finalement le personnage souffrait de ce que la vie avait fait de lui mais s'y accrochait férocement devenant ainsi son propre bourreau. Ce nouveau Edmond Dantes pleure beaucoup mais peut on le lui reprocher... on ne peut que compatir et comprendre. C'est presque effrayant de voir qu'on peut excuser la cruauté sadique quand elle nous est présenté d'une manière si légitime.
• Bien sûr, plusieurs libertés ont été prises par l'équipe créative par rapport au livre pour noircir au maximum leur principe directeur .

Par exemple , l'apparition des masques souligne la préméditation de ce démon silencieux qu'est Edmond et sa volonté paradoxale de faire éclater l'âpre vérité tout en restant caché. Luttant pour une noble cause , ce choix artistique confère au protagoniste une vraie envergure de vengeur masqué à la américaine ! Petite subtilité : celui-ci est " le bras armé de l'aveugle fatalité " , d'un sourd poison , d'un venin nommé rancune .

• Autre élément appréciable : le fait que Mercedes reconnaisse Edmond Dantes dès la première apparition du comte de Monte Cristo et le révèle à la fin du film. Cela aborde la thématique poétique du regard qui trahit notre identité puisqu'il demeure toujours le même en dépit du temps qui passe et dans lequel on peut lire l'âme comme dans un miroir. Celui d'Edmond n'évoque que tristesse, souffrance et colère désespérée...

" Est-il vrai que vous ayez tant vu, tant voyagé, tant souffert ?

- qu'est ce que qui vous fait dire ça madame ?

-vos yeux ..."

• Mais le comte de Monte Cristo c'est aussi une lumière magnifique, une photographie impeccable et des paysages splendides.

• C'est surtout un texte incroyablement beau qui nous fait pleurer en même temps que pleurent les violons de la bande originale.Quelle maîtrise du texte ! Quel beau scénario ! Les mots se plaisent à venir fracasser le spectateur et à le déchirer avec Edmond Dantes ! C'est tellement intense ! Les lettres écrites par les personnages tout au long du film puis lues sont très émouvantes .La beauté de notre langue a vraiment un immense potentiel narratif et je crois en ses capacités fédératrices.

• Enfin le film ouvre une perspective novatrice et remarquable. Contrairement aux autres versions et au roman lui même Monte Cristo ne va pas jusqu'au bout de sa vengeance. Succombant aux prières de Mercedes, il se rend compte qu'il ne peut a son tour punir l'innocent et ainsi perpétuer ce dont lui même a tant souffert. Il laisse donc l'amour et l'innocence de deux jeunes personnages triompher d'un règlement de compte qu'il avait orchestré .
• C'est très intéressant car cela pose la question philosophique voir métaphysique de jusqu'à quand la fin justifie les moyens ? Doit on tout sacrifier et renoncer à notre humanité pour réparer le mal et faire triompher la justice ? A trop observer la noirceur et à vouloir la combattre n'y tombe-t-on pas nous mêmes?

• Pour conclure je ne peux qu'inciter petits et grands à aller voir ce film qui rend dignement hommage à notre grand Dumas . Nous avons des auteurs, des techniciens et des artistes de talent en France ! Ce film signe un grand cinéma français !! Les trois heures de ce Comte de Monte Cristo prennent un parfum de rêve aux allures de cauchemar ! Il faut aller le voir pour le croire ! Vous en ressortirez abasourdi !