À défaut d'une vengeance en bonne et due forme de Monte-Cristo, voici la mienne envers le film

Un jour, une amie m'a raconté que pour éviter que l'on accuse son travail de mémoire de plagiat, elle passait des textes académiques dans un traducteur plusieurs fois ; d'abord en anglais puis en allemand et enfin en espagnol, avant de le repasser en français et de l'utiliser comme tel dans le corps de sa réflexion. J'ai pensé à cette anecdote dès ma sortie du cinéma. Cette version du Comte de Monte-Cristo, semble elle aussi, être une sorte d'adaptation adaptée d'une adaptation approximative du texte original qui, en conséquence, n'a plus ni queue ni tête.


J'ai conscience que des choix scénaristiques sont nécessaires afin d'adapter un pavé en un unique film et suis tout à fait ouverte à voir de nouvelles propositions pour donner de nouvelles tournures à l'histoire d'origine... mais de tout de même... Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est à croire qu'ils ont simplement conservé les noms des personnages et lu les trois grandes lignes du résumé de l'intrigue pour tordre le tout et le faire rentrer dans un moule déjà préconçu (et encore, on ne comprend même pas bien lequel...).

Cela reste un beau spectacle : costumes, décors, image, musique, même le jeu d'acteur pourtant particulier qui ne m'est pas tout à fait désagréable en dépit de son ton très théâtral. Une fois que l'on a saisi que cela allait être une adaptation très freestyle de l'œuvre, ce que l'on comprend dès les premières minutes du film, on peut passer un très bon moment de divertissement en prenant l'histoire telle qu'elle se présente. Le ton du film est épique et sombre, ce qui illustre parfaitement l'atmosphère si particulière de l'œuvre. Malgré tout, comment passer outre les nombreuses incohérences de l'histoire ?

Par exemple, la scène finale où Edmond se bat avec Morcerf et est transpercé de part en part... et s'en sort ? Cela aurait pourtant été une belle proposition que le comte succombe à ses blessures, mourant une fois sa vengeance réalisée et n'ayant plus rien qui le tenait à la vie (Mercédès, Haydée)... Cela aurait pleinement satisfait mon goût pour le mélodramatique. Cependant, le fait qu'il reparte sur la mer avec en fond la lecture de sa tragique lettre d'adieu... c'est... un peu fade.

Je me demande réellement comment ceux qui n'ont pas lu le livre ont pu percevoir toutes les références et les ressorts de la vengeance de Monte-Cristo. Il y a eu des raccourcis et des simplifications, ce que je peux tout à faite comprendre mais l'œuvre perd complètement en substance.

Alors que le Monte-Cristo de Dumas s'attache à détruire méthodiquement à la fois la vie professionnelle ET personnelle de ses adversaires dans le livre, le film passe bien vite sur le scandale de Janina ou sur les manigances politiques de Villefort pour s'attacher au fait que Fernand se soit marié avec Mercédès ou encore que Villefort ait un fils illégitime. La vengeance est donc surtout traitée du point de vue personnel, ce qui est dommage car l'œuvre est une belle et riche illustration du monde des élites parisiennes du XIXe siècle en traitant des ascensions sociales, du pouvoir des banquiers et de la presse, des anciennes noblesses qui cherchent à conserver leur influence, etc.

Je ne veux pas faire le numéro de la lectrice déçue de son livre de chevet favori. Je reconnais volontiers que l'on peut se passer de certains détails de l'œuvre et faire l'économie de certains personnages. Seulement, il y a eu à mon sens trop de changements, parfois absolument non justifiés (pourquoi le "capitaine" Danglars ? d'où sort Angèle et est-elle vraiment indispensable ? où est partie toute l'intrigue autour de la vengeance du comte envers Caderousse ?), si bien que je trouve ça véritablement impropre d'appeler ce film une adaptation. En lui-même, c'est un très beau film et un bon divertissement, si l'on passe les incongruités et incohérences du scénario.

camillecash
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le 30 juin 2024

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camillecash

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