Savoureux mais sans bouleversements

Je ne connaissais pas l’histoire d’Edmond Dantès, tout ce que ce nom m’évoquait jusqu’alors c’était le film V pour Vendetta, car je suis un jeune con aliéné du cinéma grand public Américain ! Mais pas trop non plus, car j’ai décidé d’aller voir ce film. Parce que ça fait du bien de voir que les films Français remarchent en ce moment (et aussi parce que c’est la fête du cinéma et que les tickets sont à 5€ mais ça, faut pas le dire). Je ne connaissais rien mais on m’a parlé du livre comme un chef d’œuvre avec une histoire captivante à découvrir, et sur tous les films sortis dernièrement c’est celui qui m'intéressait le plus. Alors j’y suis allé.

Au final c’est correct, ce n'est pas non plus incroyable comme certaines critiques le décrivent mais c’est pas mal. Y a des défauts, genre un abus et une overdose de musiques avec des violons un peu tire-larmes, et c’est dommage car ça rend certaines séquences qui auraient pu être très fortes assez classiques et limite ennuyeuses. Sauf une utilisation du son avec des bruitages de tonnerre à saluer dans le combat final.

Les plans aussi ne sont pas non plus extraordinaires, parfois y a le cadrage qui s’éloigne des personnages ce qui donne une certaine ambiance, et ça se permet même de briser la règle des 180° dans une scène de déjeuner avec Edmond déguisé en vieil anglais et son interlocuteur en face/contre-face. Mais sinon c’est surtout des plans visages dans les discussions, ou vu du dessus dans certaines scènes en extérieur pour je ne sais quelle raison, pour faire stylé sans doute.

Mais là où le film est surtout réussi cinématographiquement selon moi c’est dans son rythme. D’abord y a une structure narrative avec pas mal d’ellipses (sûrement pour raccourcir le pavé littéraire de plus de 1000 pages qui est adapté), et parfois, je ne sais pas si c’est intentionnel mais ça rend le récit d’autant plus fort, car en ne voyant pas tout, en cachant certaines réactions de certains personnages, etc. Même si le film a un point de vue assez omniscient (dont je reviendrai après quand je parlerai du découpage), il y a toujours un peu de mystère qui rend l’issu imperceptible et ajoute du suspense. Si l’histoire du bouquin est bel et bien captivante, c’est sûrement la meilleure amélioration qu’on pouvait lui faire.

On peut également noter, le ralentissement du récit dans certaines séquences clés, notamment la scène qui m’a le plus personnellement marqué : celle où Edmond, dans la peau du comte, raconte à son ex-femme avoir perdu une femme imaginaire car elle l’a oublié, parfois ça peut donner des longueurs mais ici ça reste bien géré cohérent tout le long.

En parlant de cette séquence, elle est un bon exemple du découpage des plans réussi de ce film, même si c’est classique dans la séquence du Dîner ou du procès de rester sur le visage horrifié de Victoria qui entend les révélations d’Edmond et d’Andréa, ça marche toujours bien. Et la scène dont j’ai parlé où Mercedes et le comte discutent et celle qui a le plus marché sur moi, car le découpage a misé sur le visage de Demoustier et grâce à ses réactions, véritables et sans trop en faire, ça fait de l’effet. Même si ça reste le code déjà vu du personnage qui regrette en entendant une histoire similaire à la sienne, pour citer un exemple passé : comme la scène dans le King Kong de 2005 où Jack regarde sa propre pièce de théâtre se jouer, une scène qui m’a sacrément fait chialer au passage (d’ailleurs, est-ce que je suis le seul à trouver que Pierre Niney ressemble un petit peu à Adrien Brody dans ce film ?).

Après c’est pas parfait non plus, mais y a de très bonnes idées, comme utiliser le ralenti assez rarement, que dans certaines scènes, quelques secondes, sans abus.

Comme dit précédemment il y a un point de vue omniscient, on voit ceux qui ont trahi Edmond comploter, etc. Et je dois tout de même saluer la scène du mariage du début qui est aussi très réussi, déjà un chant religieux a cappella en fond et en plus, à un moment, juste avant que la cérémonie ne soit interrompu, un plan qui n’a rien à voir sur le premier homme qui le trahit et qui vient de se faire retirer son rôle de capitaine. Là c’est intense, là je sens de la tension, là ça essaye quelque chose de grand ! Mais malheureusement ça reste assez rare.

Il y a certains plans qui se permettent d’être longs, calmes et de contraster avec le reste. Le rythme est réussi car il arrive à rendre le récit captivant, et pour un film de 3h c’est une nécessité.

Le scénario en lui-même, rien à redire, il est très bon et très satisfaisant au fil de son déroulement, et la petite dose de mystère à la fin avec certaines questions laissées sans réponses, ça laisse imaginer la suite est c’est fort. Mais ça préfère surtout se concentrer sur la vengeance et la vie, le grand dilemme de chaque personnages, qui sont dans ce film purement littéraires et qui n’ont pas grand chose de réalistes. Il y a seulement les nombreuses scènes tristes qui ne marchent pas trop à cause de l’abus de musiques. Mais la vengeance est très forte, savoureuse, le film se permet même un peu d’humour dans certaines scènes (comme celle du Dîner à Paris qui est jubilatoire), et c’est ça le meilleur, ce que j’ai préféré dans tout.

Par contre la mise en scène souffre d’un côté un peu trop hollywoodien, y a pas d’abus de spectacle et ça, ça fait du bien, et en terme de photographie, costume, décors c’est normalement bien fait. Mais les acteurs et les dialogues souffrent un peu du fléau des dialogues écrits à l’avance, appris par cœur et tentés d’être prononcés naturellement, ce qui ne donne pas un résultat des plus dingue. Après, dans certaines scènes ça contribue, car il y a quand même une histoire de manipulation, de mensonges, de masques et donc des personnages qui apprennent eux-même des répliques à l’avance. Le moment où ça marche le mieux : quand on voit Edmond devant le miroir répété 2 fois sa réplique et, juste après une ellipse, quand il rencontre les deux hommes et leur répète avec un air pas tout à fait naturel.

Mais les acteurs sont surtout forts pour être des figures, être expressif sans grandes expressions du visage. Ce qui est parfois mis en valeur par le montage mais pas toujours.

J’ai surtout apprécié subjectivement, en soit je ne crois pas avoir vu un grand film, mais c’est plaisant à regarder et le récit est effectivement savoureux, le drame n’est pas là, mais la bêtise, la friandise est là !